
Le Château de Cagliostro est le premier film d’Hayao Miyazaki, qu’on ne présente plus heureusement. Co-fondateur des studios Ghibli en 1985, on lui doit la réalisation de nombreux chefs-d’oeuvre du cinéma d’animation, tels que Le Château dans le ciel (1986) ou Kiki la petite sorcière (1989) pour ne citer qu’eux.
On suit les péripéties d’Edgar, voleur de son état, intrigué par les histoires de faux monnayage qui semblent le mener dans la petite principauté de Cagliostro, il croise la route de la princesse Clarisse, qui tente d’échapper au mariage forcé auquel on la destine. Guidé par son sens de la justice, Edgar se fait un devoir de la sauver des mains du comte de Cagliostro, sans se douter du secret millénaire qu’il s’apprête à découvrir.
Le film est la seconde adaptation filmique de la série d’animation Lupin III (1967) de Monkey Punch, à laquelle Miyazaki avait contribué. La série met en scène le petit fils d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc et a eu un succès retentissant au Japon. Le film confié à Miyazaki s’inscrit donc dans une sorte d’épisode des aventures du héros. Tant du point de vue de l’univers que du point de vue stylistique, le film garde donc la marque de la série dont il est adapté, et plus généralement, de son époque de réalisation, avec ses couleurs un peu saturées et la stylisation des personnages (corps longilignes et nerveux, rendus à l’aide de formes géométriques…). Miyazaki ne prend pas encore sa pleine indépendance stylistique. On retrouve cependant sans peine, dans ce premier film, des ingrédients incontournables de son style, de ses préoccupations et de son succès ultérieurs.

Dans l’intrigue déjà, Le Château de Cagliostro s’inscrit dans le goût de Miyazaki pour des univers mystérieux, à la frontière entre le réel et l’imaginaire. Le film est empreint d’une ambiance soignée, aux tons bleu nuit dominants qui créent une atmosphère fantastique particulièrement réussie. Edgar quant à lui est un personnage attachant, typique des héros que Miyazaki aime à mettre en scène dans ses films : guidés par leur spontanéité, leur curiosité mais aussi -et surtout !- par une bonté et une force morale qui ont valeur de message.

Ici, ces valeurs s’illustrent dans la détermination d’Edgar à sauver Clarisse du mariage arrangé auquel on la destine… Et qui verse dans un idéal chevaleresque parfois caricatural. Idéal chevaleresque justement qui met en exergue le rôle moindre des femmes au sein du film. Outre Clarisse, archétype de la princesse, Magali, voleuse rivale d’Edgar, vient prêter main forte aux héros. Tant par leur nombre, par leur rôle assez secondaire, mais également par leur caractère assez stéréotypé, les femmes n’ont malheureusement pas dans ce film la place de choix que Miyazaki leur donne dans ses réalisations ultérieures, lui qui met un point d’honneur à les choisir comme personnages principaux.
Les mimiques des personnages, le goût pour le travail de décor, l’importance de l’amitié ou encore la présence déjà presque incontournable des avions, grande passion du réalisateur, préfigurent déjà sans le savoir des thèmes chers à Miyazaki dans son travail ultérieur. Même la représentation des ennemis, dépeints comme une masse fuyante, une sorte d’armée insaisissable et sans visage, se retrouve dans des films comme le Château ambulant par exemple, et qui sont comme un rappel des valeurs pacifistes de Miyazaki.
Une agréable surprise, et probablement le plus grand point fort de ce film, est le très grand dynamisme du travail d’animation, tout particulièrement dans le rendu des scènes d’action. Miyazaki a vraiment soigné le travail et exploité toutes les ficelles, et ça se voit ! À la fois les points de vue et les personnages sont très mobiles, donnant un rythme particulièrement haletant.

Ce dynamisme est doublé d’un humour, d’un goût pour les interactions complices entre les personnages qui sont très savoureux. Ainsi, le jeu du « chat et de la souris » auquel se livrent Edgar et l’officier tient plus d’une amitié explosive que d’une véritable opposition ; la critique à peine déguisée des différents dirigeants européens mis en scène dans toute leur inaction et incompétence dans l’affaire de la fausse monnaie puis finalement mis devant le fait accompli, est d’une ironie jubilatoire.

Un autre aspect très sympathique de ce film est la fréquence de ses références. La « tour nord du château » où est enfermée Clarisse rappelle sans mal une certaine princesse des frères Grimm ; par sa forme même, elle évoque également le film La Bergère et le Ramoneur (1953) de Paul Grimault, première version du Roi et l’Oiseau, dont Miyazaki semble s’être inspiré. Pour citer un autre exemple, on peut, dans la scène rocambolesque de cascades au sein d’un mécanisme d’horloges, y voir un lointain hommage à Chaplin. Miyazaki excelle déjà dans sa réappropriation d’histoires, de lieux et d’oeuvres qui, par leur omniprésence dans ses films, donne cet aspect si dense, fouillé et unique à ses univers.
En clair, Le Château de Cagliostro est une petite pépite du cinéma d’animation, un film à part dans la réalisation de Miyazaki, tant par son statut de premier film que par ses caractéristiques intrinsèques, et qui trouve tout son intérêt dans ce côté un peu décalé et rétro par rapport au reste de la filmographie du Japonais.
Juliette Roudot
Le ciné-club de l’École du Louvre vous invite à venir (re) découvrir Le Château de Cagliostro le mardi 6 octobre à 17h en amphithéâtre Cézanne. Et bonne nouvelle la séance sera gratuite ! Plus d’infos ici.
Extérieurs à l’école ? Vous êtes les bienvenus ! Il vous suffit d’envoyer un mail avec vos nom et prénom à cineclubecoledulouvre@gmail.com au plus tard 24 heures avant la séance.
