
Halloween approche et vous ne savez toujours pas quoi regarder ? Le réalisateur espagnol Álex de la Iglesia, spécialiste des comédies alternatives, vous offre à travers un mélange de comédie noire et de fantastico-horrifique, une œuvre totalement déjantée. Le cinéaste a débuté sa carrière dans les années 1990 avec son premier long-métrage, Action mutante, financé par Pedro Almodóvar. Avec Les Sorcières de Zugarramurdi, il continue à s’imposer dans le cinéma espagnol permettant à Terele Pávez de remporter le prix Goya 2014 du meilleur second rôle féminin, et à l’international, est nominé au Paris International Fantastic Film Festival.

Un groupe de braqueurs amateurs dont José (joué par Hugo Silva), père divorcé en plein conflit avec son ex-femme ; Tony (Mario Casas) son complice, sex-symbol malgré lui ; Manuel (interprété par Jaime Ordonez), chauffeur de taxi embarqué contre son gré dans l’aventure et Sergio, le fils de José, se retrouvent en cavale après un vol qui tourne mal. Leur objectif est de passer la frontière française le plus rapidement possible, mais non loin de là, dans le village millénaire de Zugarramurdi, le groupe va faire la rencontre d’une famille de sorcières (dont Carolina Bang et Carmen Maura font partie) bien décidées à user de leurs pouvoirs maléfiques pour se venger des hommes.

À la simple lecture du synopsis, on peut s’attendre à une énième copie d’Une nuit en enfer de Robert Rodriguez et Quentin Tarantino. Il est vrai que la fuite criminelle d’une poignée d’hommes se retrouvant face à une menace surnaturelle (le bar de strip-tease infesté de vampires remplacé ici par un village de sorcières) n’a pas l’air de faire du film un chef-d’oeuvre profond et original.
Álex de la Iglesia s’inspire des tragiques événements qui se déroulent au début du XVIIe siècle dans le petit village de Zugarramurdi au Pays Basque qui fut brusquement frappé d’une véritable « épidémie diabolique » où des dizaines de personnes furent accusées de sorcellerie et brûlées. Le montage travaillé, les travellings vertigineux, la colorisation particulière offrent une véritable composition qui plonge directement le spectateur dans l’univers délirant d’Álex de la Iglesia. Balançant entre un esthétique gothique et morbide et une farce au comique d’exagération, le cinéaste réalise un film à deux temps et qui se plaît à marier les genres.

Malgré le genre fantastique du film et un second degré décapant, Álex de la Iglesia inscrit son travail dans un contexte particulier, celui d’une société actuelle grinçante. Entre la crise économique espagnole, le débat européen et la société patriarcale, le scénario des Sorcières de Zugarramurdi puise sa trame dans notre monde. Après avoir placé le visage d’Angela Merkel parmi les visages de sorcières qui défilent dans le générique de début, le cinéaste s’amuse à traiter de la guerre des sexes et de la complexité des rapports hommes-femmes. Avec son humour piquant, il allégorise les clichés. Le féminisme radical face au dictat patriarcal, des sorcières dominatrices face aux hommes irresponsables et aveuglés par leurs pulsions. Loin d’être misogyne, le réalisateur prône une égalité entre les genres.

L’humour noir et provocant du film ainsi que son rythme endiablé invitent le spectateur à réfléchir en riant. Le goût de l’outrance et parfois même du ridicule permet d’aborder certains tabous de la société à travers une comédie horrifique et déjantée.
Marie-Katell Denat