XVIIIe siècle et magnificence : La pendule astronomique de Louis XV

La pendule astronomique de Louis XV, dite aussi « pendule de Passemant » est un objet d’art remarquable et remarqué qui donne son nom à une des salles du Château de Versailles. L’œuvre a marqué le XVIIIe siècle mais engendre toujours l’étonnement et l’admiration. Entre luxe, science et savoir-faire, retour sur une œuvre à la fois fonctionnelle, novatrice et prestigieuse.

La pendule astronomique de Louis XV, réalisée par Claude Siméon Passemant, Louis Dauthiau, Philippe et Jacques Caffieri entre 1743 et 1753 est un meuble en bronze doré de 2,15 mètres de hauteur. L’œuvre est conservée au Château de Versailles, dans le cabinet de la Pendule.      

Un objet d’exception comme témoignage d’un nouvel art

L’œuvre apparait comme exceptionnelle : elle présente un planisphère, une horloge, un calendrier, un pendule, un mécanisme reliés par un seul arbre, quatre supports imitant des pieds de biche la posent sur un socle en marbre.

Les matériaux utilisés pour la réalisation de la pendule permettent de confirmer son statut d’objet d’art. L’œuvre propose une alliance de divers matériaux, démultipliant sa valeur et son élégance : émail, acier, bronze, verre, bois, cuivre et marbre composent l’œuvre. Une sphère de verre surplombe la pendule et renferme un globe de bronze représentant la terre, puis, juste en dessous, un boitier en bronze ciselé et doré referme un mécanisme d’acier, le tout repose sur un socle en marbre. Cette association de matériaux donne à l’œuvre une richesse particulière et lui confère son éclat, elle apparaît d’ailleurs comme un témoignage du développement d’un nouvel art au XVIIIe siècle : le bronze doré.


La pendule de Passemant © château de Versailles / Christian Milet

Luxe et raffinement : le bronze doré

Au début du siècle, le luxe de l’ameublement s’affirme, la production d’objets décoratifs de grande valeur se multiplie, permettant ainsi le développement de meubles précieux en bronze doré. Il est, effectivement, essentiel de noter l’excellence de l’art français sous Louis XV.

Entre 1715 et 1774, la France traverse une période relativement prospère, permettant l’éclat de la vie artistique. Le désir de mener une vie pleine d’agréments engendre alors l’essor de l’artisanat de luxe et permet le développement de nouvelles techniques. Alors, le bronze doré appliqué aux pendules devient la découverte majeure de l’art parisien du XVIIIe siècle. Le bronze doré envahit le décor intérieur et permet à Paris d’affirmer sa supériorité sur le reste de l’Europe, comme l’écrit Pierre Patte en 1765 : « Paris est à l’Europe ce qu’était la Grèce lorsque les arts y triomphaient : elle fournit des artistes à tout le reste du monde ».

Ainsi, la pendule astronomique de Louis XV peut être considérée comme l’un des plus excellents témoignages du perfectionnement de l’art. Son boitier de bronze réalisé par Philippe et Jacques Caffieri se distingue par son raffinement. Le bronze doré multipliant l’éclat des lumières, il renforce la magnificence de l’œuvre. De ce fait, le choix du placement de la pendule, au centre de la pièce et dos à un miroir, apparaît minutieusement pensé, puisque le miroir permet au bronze doré de démultiplier son éclat afin de d’accentuer la force de l’effet visuel produit par l’œuvre.

La pendule de Passemant © château de Versailles / Christian Milet

Courbes et coquillages : le style rocaille

La pendule astronomique de Louis XV rend compte d’un raffinement particulier dans le traitement des formes. Les rondeurs sont omniprésentes, elles s’affirment par des cercles dans la sphère en verre, dans le globe de bronze, dans le cadran et dans le pendule ou par des demi-cercles présents entre le boitier et les pieds de la pendule. Les lignes utilisées sont sinueuses, elles représentent le monde végétal ; les ornements, eux, s’apparentent à des représentations du monde de la flore. Aussi, les pieds donnent à voir des motifs de coquillages. La pendule de Passemant témoigne du raffinement du style rocaille, un style manifeste du règne de Louis XV.

Le « style rocaille » ou « Louis XV » affirme le règne de la ligne courbe et de la rondeur des formes et présente des décors fantastiques inspirés de la flore, des minéraux et des coquillages. Le style s’épanouit sous l’influence de la personnalité du roi et domine entre 1730 et 1755. La pendule astronomique, réalisée durant le plein éclat du style rocaille, entre 1743 et 1753 rend compte d’une ingéniosité et d’un raffinement particuliers et peut être considérée comme l’un des manifestes du style.

Prestige ou orgueil ?

Les horloges sont des sujets d’orgueil, des objets de grand prix au XVIIIe siècle. Ces objets sont exceptionnels par leur précision, surprenants par le jeu de leurs combinaisons, luxueux par leur revêtement extérieur. La complexité et la somptuosité des horloges leur donnent le titre de meubles rares. Aussi, les horlogers apparaissent comme des artistes remarquables, ils bénéficient d’un statut particulier. Certains, comme Passemant par exemple, logent au Louvre et reçoivent la protection du roi. Les propriétaires de pendules complexes et ingénieuses jouissent alors d’une gloire particulière.

Mais, ici, la pendule astronomique de Louis XV se présente comme un objet d’autant plus prestigieux. Effectivement, elle est la création d’artistes éminents. L’horloger de renom Claude Siméon Passemant réalise le mécanisme, il s’attèle à la conception et aux calculs astronomiques pendant vingt ans. Il est aidé par un horloger officiel du roi, Louis Dauthiau, qui pense la combinaison et l’exécution du mécanisme pendant douze ans.

L’œuvre est une œuvre unique, elle affirme alors une certaine rareté, une préciosité particulière, d’autant plus que la compétition entre les princes d’Europe pour acquérir une pendule unique était répandue au XVIIIe siècle.

Une prouesse scientifique destinée à un roi savant

Le duc de Luynes écrit dans son ouvrage à propos de la pendule astronomique : « Les côtés et le derrière sont de glace, avec un globe dessus, où l’on voit le soleil représenté comme une boule d’or dans le milieu et toutes les planètes tournant autour avec une précision si grande, que l’ouvrier dit que cela ne pourrait pas se déranger dans dix mille ans. […] Cela me paraît un miracle de la science ».

Le mécanisme est particulièrement précis et judicieusement pensé. Au sommet de la pendule, une sphère en cristal indique l’évolution des planètes d’après Copernic. Le mécanisme est complexe : la pendule ne se contente pas de donner l’heure, elle renseigne les phases de la lune, l’alignement des planètes autour du soleil.

La pendule astronomique de Louis XV semble se présenter comme une synthèse des réflexions scientifiques du siècle des Lumières dans la mesure où elle intègre à son mécanisme les avancées de Copernic et de Newton, largement diffusées par Voltaire avec Éléments de la philosophie de Newton publié en 1738 et par Diderot et D’Alembert avec L’Encyclopédie, publiée en 1751.

La pendule place effectivement le soleil comme centre autour duquel gravitent les planètes, comme en témoigne le globe de cristal qui rend possible l’observation de la révolution des planètes autour du soleil.

Cette pendule, appartenant au roi Louis XV, est alors un témoignage de son engagement pour les sciences. Elle rend compte d’une érudition omniprésente à Versailles et ajoute une dimension ludique aux savoirs. Louis XV fait de Versailles un lieu de sciences, où les pratiques savantes sont en voie d’autonomisation.

Ainsi, la pendule astronomique de Louis XV de Passemant est un ouvrage remarquable par son ingéniosité technique et scientifique, elle contribue au rayonnement de l’art rocaille et au perfectionnement du bronze doré. L’œuvre singulière est une possession prestigieuse pour Louis XV et confirme son influence sur les arts et son importance dans les avancées scientifiques.

Sources

Articles en ligne :
-Marie-Agnès Dequidt, « La qualité de l’horlogerie commune à Paris, à la fin du xviiie siècle
», Histoire & mesure [En ligne], XXVII-2 | 2012, mis en ligne le 31 décembre 2015, URL : http://journals.openedition.org/histoiremesure/4587


-Jérôme Lamy, « La science à la cour de Versailles : mise en scène du savoir et démonstration
du pouvoir (XVIIe-XVIIIe siècles) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne],
136 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2017, URL : http://journals.openedition.org.ressources-electroniques.univ-lille.fr/chrhc/6140

Livres :

-MABILE Gérard, Le style Louis XV, 1978, Editions Baschet et Cie, Paris, 191 pages.
-MEYER Daniel, Le mobilier de Versailles XVIIe et XVIIIe siècle, 2002, Editions Fanton,
Dijon, 300 pages.
-VERLET Pierre, Les bronzes dorés français du XVIIIe siècle, 1987, Editions Picard, Paris, 478
pages.

Elise Hudelle.

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