Joyeux Noël ! La magie dans nos écrans

Voici venue la période des fêtes de fin d’année. Comme chacun sait, Noël rime avec sapin, cadeaux, repas bien trop copieux et… films à gogo ! Les films de Noël c’est toute une histoire. Depuis novembre les plateformes de streaming et les chaines de télévision nous bombardent de leurs affiches bariolées et de leurs bandes-annonces tout miel tout sucre. Parce que les films de Noël, depuis plusieurs années, sont au cœur d’une véritable économie. Tous les ans, on ressort les mêmes histoires, tous les ans, nous les regardons sous notre couverture bien chaude quand il fait gris dehors et que les cours sont, tout d’un coup, devenus un souvenir lointain. Mais un film de Noël, c’est quoi au juste ? Difficile de définir ce genre, si encore c’en est un, tellement les films qui entrent dans cette catégorie sont variés. 

Né dès les premières heures du cinéma

Alice Guy

Le programme « festif » des chaines de télévisions et le catalogue de Netflix se sont remplis de comédies romantiques sur fond de manteau rouge et guirlandes lumineuses. Ces films qui envahissent notre horizon cinématographique pendant trois mois (je compte janvier parce que l’après fêtes de fin d’année appelle toujours à quelques moments de nostalgie) sont classés dans la catégorie « films de Noël ». Aujourd’hui ces films ressemblent davantage à des produits marketing réalisés en série selon un schéma bien étudié. Et on a beau mordre à l’hameçon à chaque fois, c’est tout de même un peu désenchanteur lorsque l’on décortique le processus. Mais le genre du film de Noël n’est pas si neuf qu’il n’y parait. En réalité, il est apparu dès les débuts du cinéma. Le premier métrage du genre a été réalisé par Alice Guy en 1906. Cette dernière, directrice artistique chez Gaumont entre 1897 et 1907, est considérée comme la première réalisatrice de l’Histoire. Elle développe plusieurs genres cinématographiques pour la fameuse société, notamment la féérie avec son premier court-métrage La fée aux chouxfin 1896. Elle réalise elle-même plus de 200 films et sa contribution à la firme Gaumont est considérable. Lorsqu’elle quitte la société française pour poursuivre sa carrière aux Etats-Unis, elle assure sa relève en proposant Louis Feuillade pour reprendre son poste. Et Alice Guy a donc créé le genre du film de Noël avec Le Noël de Monsieur le curé (1906). Ce court-métrage de six minutes met en scène le prêtre d’une paroisse qui, au moment de Noël, cherche à acheter un santon de l’Enfant Jésus pour compléter sa crèche. N’ayant pas d’argent même pour le plus petit santon, il se résigne à présenter une crèche incomplète. Mais au moment de la messe deux anges apparaissent et la statue de la Vierge Marie s’anime pour faire passer l’Enfant qu’elle tient dans ses bras aux anges qui le remettent ensuite au prêtre et ainsi sauver la cérémonie de noël. Les tableaux se succèdent, filmés caméra fixe et sans intertitres mais l’histoire est assez simple pour être comprise. Ce film caractéristique des courts-métrages de l’époque semble avoir lancé la tradition du film de Noël.

Le Noël de Monsieur le curé (1906), Alice Guy

Une recette qui a fait ses preuves

Finalement quelle est la recette incroyable de ces films qui nous font toujours plonger dans une atmosphère mi-nostalgique, mi-magique ? Comme tous les genres cinématographiques, il y a des codes. Les films de Noël se répandent à tous les genres. Si l’on connait particulièrement la comédie romantique, les films de guerre, les films d’horreur, les comédies familiales connaissent leur pendant hivernal. Ainsi, il faut bien établir quelques critères pour classer ces productions très diverses dans un même genre. Tout d’abord l’intrigue a besoin de personnages charismatiques, que ce soit Hugh Grant avec sa danse mémorable dans les escaliers pour Love, actually ou Macaulay Culkin dans Maman, j’ai raté l’avion ! et ses stratagèmes pour le moins impressionnants de la part d’un enfant de 9 ans, en passant par le Grinch, cet être vert qui déteste noël incarné maintes fois à l’écran, ces héros nous font rire. Parce que la bonne humeur est essentielle dans un film de Noël, même si elle n’intervient qu’à la fin. Ensuite pour bien faire, nous avons besoin d’une intrigue attrayante quoique fortement prévisible. Effectivement, nous savons tous comment cela va finir – particulièrement pour les productions hollywoodiennes – et pourtant nous regarderons jusqu’à la fin. Le schéma est très simple : le film s’ouvre sur une tension, souvent un personnage qui se sent seul à l’approche des fêtes ou bien qui ne supporte plus le bal des hypocrites que représentent les réunions de famille, une trahison, une rupture, un personnage égoïste ou aigri (impossible de ne pas penser à Ebenezer Scrooge dans le conte de Noël par excellence A Christmas Carol écrit par Charles Dickens et adapté plusieurs fois à l’écran).  Nous comprenons immédiatement qu’il y a un problème à résoudre. S’en suit de nombreuses péripéties qui ont pour but d’amener le personnage central à sa rédemption. Enfin l’histoire se conclut sur une fin heureuse intervenue juste à temps pour célébrer dans toute sa splendeur cette période si particulière. C’est pour ainsi dire le miracle de Noël.

Une esthétique bien étudiée

Le tout se déroule dans un décor généralement très coloré et surtout pensé dans les moindres détails. Dans tout film qui se respecte, le décor représente un travail conséquent mais dans la catégorie « Noël » le défi est encore plus grand. Pourquoi cela ? Ces films ont pour racine des traditions très ancrées dans l’esprit du public et même si l’histoire n’inclut pas nécessairement l’apparition du Père Noël, le réalisateur et son équipe se doivent de recréer l’ambiance des fêtes hivernales. Car si l’on ne regarde pas ces films pour leur trame originale, on attend d’eux, plus que de n’importe quel autre genre cinématographique, qu’ils nous plongent dans une atmosphère réconfortante qui appelle à se pelotonner dans une couverture, un chocolat chaud à la main en oubliant pendant deux heures que la vraie vie n’est pas aussi magique que l’on aimerait en cette période (si ce n’est les quelques décorations lumineuses accrochées aux lampadaires). Un film de Noël est donc structuré par des décors chaleureux et meublés d’une multitude de détails. Les maisons sont riches en décorations festives et le sapin dépasse nos rêves les plus fous. On n’utilisera pas de lumière trop vive pour tourner ce type de film, les scènes en intérieur sont souvent éclairées par un feu de cheminé ou une lumière tamisée afin de créer un cocon agréable tandis que les scènes en extérieur reproduiront la lumière du soleil que l’on ne voit qu’en hiver, c’est-à-dire à la fois froide et douce. Il est également presque inévitable d’avoir une ou plusieurs scènes de nuit à la lueur des décorations installées par les villes ou sur les frontons des maisons. Si un décor est particulièrement sombre pour marier l’humeur du personnage, il sera vite égayé par l’introduction d’un nouvel élément plus coloré. La neige est bien évidemment un élément très important. C’est d’ailleurs un point important pour les réalisateurs que de choisir le type de neige synthétique qui correspondra à la scène tournée. Comme il est très difficile de tourner avec de la vraie neige, il existe différente manière d’en fabriquer. Une des plus courantes étant de découper du papier en très petits morceaux pour donner une texture proche de la neige qui tombe. Evidemment il faudra une texture différente pour représenter la neige en train de tomber du ciel et celle formant une couche épaisse sur le sol, imprimant les pas des personnages. Un même film peut donc utiliser diverses variétés de neiges artificielles afin de donner le rendu le plus réaliste possible.

Affiche du film Les Chroniques de Noël

Les films de Noël utilisent aussi une palette de couleur assez restreinte. En dehors des couleurs chaudes, deux tons reviennent systématiquement : le rouge et le vert. Ce sont les couleurs de l’hiver ! Le rouge évoque de façon consciente ou non le Père Noël et par extension l’esprit de Noël et le vert nous ramène au sapin, aux couronnes de houx sur les portes (une coutume plutôt américaine, certes) et aux guirlandes lumineuses. C’est pourquoi les affiches de ces films usent souvent de ces deux couleurs en tons principaux. Pour vérifier ce propos, j’ai cherché sur internet des affiches de films de noël. Si le vert est fréquent sans être systématique, le rouge en revanche est omniprésent. Par exemple, Les Chroniques de Noël, un film Netflix sorti pour le Noël de 2019, propose une affiche présentant Kurt Russell qui joue le Père Noël au premier plan dans son grand manteau rouge, placé juste devant un magnifique sapin verdoyant décoré de boules aux nuances rouges orangées. Ce film en particulier a pour sujet le mythe du Père Noël en lui-même mais cela peut s’appliquer à d’autres productions pour lesquelles la référence est moins directe comme Love, actually, point de Père Noël sur cette affiche mais un énorme nœud rouge pour empaqueter l’image et bien sûr le mot « love » mis en avant par une police en gras et en rouge éclatant. Ce sont donc tous ces détails mis bout à bout qui nous permettent de plonger dans l’atmosphère féérique des films de Noël. De l’affiche qui nous fait de l’œil sur le catalogue aux décors minutieusement pensés, tout nous pousse à croire à cette réalité alternative où les fêtes de fins d’années sont synonymes de miracles et de démonstrations d’amour sincère.

Affiche du film Love, actually

Love, actually : une référence du genre

Il existe une multitude d’exemples typiques du genre qui nous occupe. Mais comme il est impossible de parler de chacun d’entre eux, je vais m’arrêter sur un film, déjà évoqué plus haut, qui pour moi incarne pleinement la définition du film de Noël. Il s’agit de Love, actually. Ce film-choral réalisé par Richard Curtis et sorti en 2003 réunit non seulement un casting de choix (on y retrouve Hugh Grant, Alan Rickman, Emma Thomson, Colin Firth ou encore Liam Neeson) et reproduit cette ambiance si spéciale qui provoque chez le spectateur une sensation de bien-être et de satisfaction. C’est une comédie romantique qui nous embarque pendant deux heures pour suivre le destin d’une dizaine de relations différentes. Les personnages sont nombreux, tous plus ou moins à la recherche de l’amour cinq semaines avant noël et tous connectés entre eux. Pour donner un exemple, Emma Thompson joue une mère de famille, sœur du Premier Ministre, donc connectée à Hugh Grant et ainsi à son assistante Nathalie (Martine McCutcheon), elle est également connectée à cette dernière par ses enfants qui font partie de la même école que les neveux de la jeune femme. Mais ce n’est pas tout ! La voisine de Nathalie n’est autre que Mia qui travaille avec le mari d’Emma Thompson et cherche à le séduire. En outre, si les personnages ne font que se croiser tout au long du film, ils sont cependant tous réunis pour le grand final à l’aéroport d’Heathrow. Dès l’ouverture, la tirade de Hugh Grant sur l’amour qui nous entoure place cet aéroport comme symbole de l’affection humaine. Ce lieu est témoin de l’amour que se porte le monde, c’est pour cela que l’on nous y ramène pour le « happy ending », lorsque tous les personnages ont eu leur heureux dénouement et ont trouvé l’amour, parfois avec une personne qu’ils n’attendaient pas. 

Le scénario est assez classique et toutes les conclusions narratives sont prévisibles, comme dans beaucoup de comédies romantiques. Pourtant, ce film est touchant, il nous entraîne avec ses personnages à la fois naïfs, hilarants et attachants. C’est l’histoire de la vraie vie, évidemment largement magnifiée et idéalisée (on est d’accord que courir à travers un aéroport en sautant les contrôles pour rejoindre l’amour de sa vie ne risque pas d’arriver étant donné les mesures de sécurité en place et on est aussi d’accord qu’il y a très peu de chances pour que le Premier Ministre d’Angleterre ayant un charisme fou sonne à toutes les portes de la rue pour nous retrouver). Certes, c’est une réalité édulcorée. Avouons-le, c’est ça qui nous fait rêver. Mais les personnages ont aussi plusieurs défauts apparents et cela participe à les rendre plus proches de nous. Il faut ajouter que toutes les histoires ne se terminent pas de façon heureuse. Rappelons notamment Sarah (Laura Linney), qui travaille pour le personnage d’Alan Rickman, désespérément amoureuse d’un collègue mais lorsque sa chance arrive enfin, elle la laisse passer pour prendre soin de son frère mentalement instable. Grâce à cela, le film ne répond pas entièrement à nos attentes de spectateur et par la même occasion nous prouve que la trame est légèrement plus complexe qu’on ne le croyait : comme dans la vraie vie (ou presque). Love, actually rassemble tous les codes du film de Noël décrit précédemment. Il y a beaucoup de rouge, l’histoire tourne autour de la préparation de cette fête, il neige, les décorations sont allumées dans les rues et on a même droit à la représentation de la Nativité par les enfants de l’école primaire suivie par le concert d’une petite fille qui reprend Maria Carrey à la perfection (oui, oui c’est cliché… mais c’est Noël). La bande originale justement finit de nous faire entrer dans l’univers des fêtes avec la reprise de la chanson du groupe Wet Wet Wet par Bill Nighy, Love is all around ou sa version de Noël Christmas is all around qui ne manquera pas de nous rester dans la tête. Bien sûr, cette comédie romantique comporte bon nombre d’éléments déjà vus et attendus mais elle fait du bien et en cette période de fin d’année c’est tout ce que l’on demande. C’est un hymne à l’amour qui nous réchauffe le cœur comme il se doit.

Le cinéma de Noël : un état d’esprit avant tout

Ainsi s’il fallait faire la liste des films cultes de noël à voir et à revoir sans modération, nous n’en finirions pas. Il y a bien sûr les grands classiques que tout le monde connait mais chacun a sa propre définition du genre. De nombreux films sont classés dans le genre de Noël alors que leur scénario n’évoque en aucune façon cette fête de fin d’année. Je pense notamment aux sagas comme Pirates des CaraïbesHarry PotterLa 7ème Compagnie et pourquoi pas Star Wars ou encore Le Seigneur des Anneaux pour ne citer que les plus connues. D’après les sondages, ces long-métrages font partie des plus regardés lors de la période des fêtes. Car finalement, ce genre cinématographique a des frontières très floues et sa définition n’est pas réellement aboutie. Les films de Noël sont avant tout un état d’esprit. Les films que nous regardons durant la période des fêtes et surtout pour Noël sont ceux qui nous font nous sentir bien et qui nous amènent à nous réunir en famille. Notre film de Noël culte résulte en général d’une tradition. Notre film culte est celui que nous regardons tous les ans, sans nous lasser parce qu’il nous ramène à la magie de Noël (même si elle n’est pas le sujet central du film), aux bons repas qui nous attendent et aux moments privilégiés avec nos proches. 

Alors même si cette année la saison est un peu ternie par les circonstances actuelles, consolons-nous avec tous ces films merveilleusement clichés mais tellement réconfortants que le cinéma nous offre depuis des décennies.

PS : chacun a sa définition mais je vous conseille tout de même de regarder La vie est belle réalisé par Frank Capra en 1946 qui reste le film de Noël le plus culte que l’on puisse trouver et surtout parce qu’à la fin, la vie semble bien plus belle !

Sarah Dubourg

1 commentaire

  1. Chouette article qui met notamment à l’honneur l’un de mes films préférés, et à mon sens le plus film de Noël des films de Noël ; « Love Actually ». Effectivement, certaines scènes sont idéalisées ; tu mentionnes la séquence de l’aéroport, mais pour l’anecdote, la version originale était encore pire, avec force saltos et galipettes pour enjamber des barrières de sécurité, des bancs de touristes ou même sauter d’un étage x) Les scènes coupées sont pleines de ces petits détails qui ne rendent le film que meilleur, comme également cette histoire supplémentaire complétement laissée de côté mais pourtant sublime, à propos de la directrice de l’école et de sa compagne souffrante du cancer.

    C’est aussi toujours un plaisir de voir la trop sous-cotée Alice Guy ainsi mise en valeur, mais attention tout de même à l’utilisation de l’adjectif « premier » quand on parle des débuts du cinéma ! Des films de Noël, il y en a eu avant 1906 : on peut par exemple citer le « Rêve de Noël » de Méliès en 1900, ou encore une adaptation du conte de Noël de Dickens produite par Robert W. Paul en 1901 (« Scrooge, or Marley’s Ghost ») 😉

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