
Située en plein centre de Carcassonne, l’église des Carmes se dresse modestement depuis le 13ème siècle au milieu du quartier commerçant. Composée d’une nef unique de 12,80 m de largeur et 17 m de long avec dix chapelles, elle a servi de grange, d’entreprise de messagerie et de boutique. Elle est gardienne de joyaux, et de nombreuses personnalités notables locales y sont enterrées.
Pourtant, l’Église des Carmes dans la Bastide Saint-Louis de Carcassonne a connu au travers des siècles de graves perturbations.

Point historique
Peu après sa construction, l’église fut victime d’un choc lors de l’incendie de la ville en 1355 par les troupes du Prince Noir. Le Prince Noir est le fils du roi d’Angleterre Édouard III, partant de Calais et de Bordeaux lui et ses troupes organisaient des « chevauchées ». Le but de ces dernières était de piller, démolir et incendier les territoires français. En 1355 une expédition fut organisée depuis Bordeaux en visant la région de Toulouse et Carcassonne, jusqu’à Narbonne. À Carcassonne, bien que la cité demeura inviolée, la ville basse disparut dans les flammes.
Toutefois, l’église fût quasiment entièrement reconstruite par la suite.
Le répit fut de courte durée, puisque la Révolution quelques siècles plus tard abîma à nouveau l’église.
En effet, cette période marqua un déclin religieux qui commença par la suppression de la dîme et la transformation des biens de l’Église en biens nationaux en 1789. Puis en 1790, l’adoption de la Constitution civile du Clergé par l’Assemblée constituante, fit perdre à l’Église son autonomie comme institution. Enfin, la nouvelle Assemblée législative adopta, le 29 novembre 1791, un décret rigoureux : les ecclésiastiques réfractaires furent déclarés suspects et privés de leurs pensions. À cela s’ajoutèrent les nombreuses dégradations matérielles comme pour l’église de Carcassonne. Cette dernière vit son clocher détruit, sa nef transformée en messagerie et ses chapelles en stalles pour les chevaux. De plus, son sol a été mis au niveau de la rue et ses décors dispersés ou détruits. Il semble qu’on ait creusé des ouvertures dans l’épaisseur des murs de contrefort ce qui a fragilisé l’équilibre du bâtiment.
Néanmoins, cette période laissa place de nouveau à une vague d’espoir. Le milieu du XIXème siècle a été marqué, dans les pays catholiques occidentaux, et notamment en France, par un nouvel élan religieux qui conforta la foi traditionnelle face aux doutes hérités du siècle des Lumières et de la Révolution. Cela s’accompagna d’un retour des Carmes sur leur lieu fondateur. À ce moment-là, Hermann Cohen, juif berlinois, élève de Franz Liszt et converti au catholicisme, entreprit une restauration importante avec l’aide d’artistes venus restaurer la Cité de Carcassonne.
Toutefois, c’était sans compter sur l’apparition des décrets de 1880. Ces derniers, pris par le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry, ordonnèrent aux religieux de quitter l’enseignement dans les trois mois. Les Carmes furent alors de nouveau expulsés et leurs biens confisqués (l’orgue fut vendu et des magasins apparurent sur la façade de l’actuelle rue piétonne).
Une éclaircie intervient en 1908 lorsque le couvent mis en vente est racheté par la paroisse Saint-Vincent, et l’église est rouverte au culte en 1909.
De ces perturbations historiques, il reste d’importantes séquelles et un édifice déstabilisé. Toutefois, demeurent aussi de nombreux joyaux dont la préservation est plus qu’essentielle.
La nécessité de conserver cette église
En effet, cette église est tout d’abord une perle architecturale avec son style gothique Méditerranée : c’est l’un des plus beaux vestiges de l’ancien couvent des Carmes. De plus, bien que sobrement décorée, ses chapiteaux sont ornés de feuillages parmi bien d’autres merveilles.
Les travaux de recherche préalables à sa restauration ont permis de découvrir deux pieds de chapiteaux dans la première chapelle à gauche datant de la fin XIIème au début du XIVème siècle, mais aussi des traces de peintures certainement datées du XVIème siècle, antérieures aux fresques du XIXe.
Ces travaux sont donc d’une importance primordiale afin d’établir des repères chronologiques.
Cette église abrite aussi les peintures murales du XIXème d’un disciple de Viollet-le-Duc, Marius Engalhières. On peut y apercevoir la Vierge Marie en larmes ou l’histoire spirituelle du Carmel avec ses saints fondateurs. Enfin, cette église cache aussi un incroyable vitrail du chœur représentant Élie sur son char de feu (œuvre de l’artiste Gérard Millin), un récit considéré par les carmes comme le point de départ de leur vie spirituelle.
Cette église ne peut être envisagée sans parler de la chapelle du Saint-Sacrement, ancienne chapelle du Scapulaire, une confrérie de laïcs pieux associés à l’ordre des Carmes. Cette chapelle dévoile aussi de nombreuses surprises avec notamment la seconde voûte, en partie recouverte de chaux, mais, qui au gré des infiltrations d’eau, a laissé apparaitre des fresques du XVème -XVIème siècle, représentant les anges adorateurs. De plus, les travaux préalables ont permis de découvrir la charpente d’origine datant du XIVème, révélant des boiseries peintes.
Au vu de son importance historique, esthétique et symbolique un important projet de restauration de l’église des carmes a été lancé.



L’avancée de la restauration
Afin de lui rendre, sa gloire d’antan il faut trouver 3,2 millions d’euros pour financer la totalité des 5 tranches de travaux prévues. La première tranche concerne l’aile sud, la seconde la la façade ouest, la troisième l’aile nord, la quatrième les sols, le plancher du corps central et les carreaux de pavement des chapelles. Pour finir, la dernière permettra la consolidation de la façade et du clocher.
Puisqu’il faut un début à tout, l’aventure commença par l’avis favorable de la DRAC (direction régionale des affaires culturelles de la région Occitanie) de la mairie de Carcassonne et du service urbanisme qui ont accordé le permis de construire pour la rénovation de l’église des Carmes. De plus, le projet a été partagé vivement par les journalistes (reportages sur France 3 Sud, RCF, et la chaine de télévision catholique KTO, article dans la dépêche).
Par la suite, les travaux ont commencé en 2017 avec la mise en place de la porte de secours à la sacristie. Puis, la consolidation de la structure par l’intervention sur les fissures et les contreforts. S’en est suivie l’opération dite de « couturage », soit l’injection de la fibre de verre dans les murs afin de les solidifier et la restauration des fresques de l’église. Grâce à une proposition de parrainage de tuiles, la toiture a pu être elle aussi reprise. A l’intérieur, la chapelle Notre Dame de la Salette, la chapelle Sainte-Rita ont elles aussi été rénovées. De plus, les sols des 5 chapelles ont été finis. Par ailleurs, la seconde tranche d’urgence a été entreprise, l’ancienne vitrine a été refermé et la boutique Siloé a trouvé un autre lieu pour assurer sa mission de librairie.
Les travaux continuent ; ils ont connu des intempéries, des imprévus, des confinements, des surcoûts, des retards mais ils se poursuivent. Ils sont loin d’être finis et votre aide est précieuse pour conserver ce joyau chargé de notre histoire.


Comment aider ?
« L’aide peut avoir de multiples facettes. Un don à l’association diocésaine de Carcassonne, don déductible des impôts, une participation directe en mettant une offrande dans le tronc réservé à cet effet à l’entrée de l’édifice. Ce peut être également un engagement dans l’animation spirituelle et culturelle des Carmes en participant à la vie de l’association des « Amis des Carmes », ou au service de la Pastorale du Tourisme. »
Les aides financières sont accompagnées de contreparties variées allant des remerciements sur la page Facebook du Diocèse de Carcassonne et Narbonne et sur le livre d’or jusqu’au rang de grand parrain d’un vitrail et une bouteille de vin de la Saint Vincent.

Source :
Jean ODOL, Le grand incendie du Lauragais et la chevauchée du Prince Noir (1355), 2002
Luce-Marie ALBIGÈS, La Révolution et l’Église en 1791, 2005