
Le mois de septembre 2021 est riche en sorties dans les salles de cinéma. À l’affiche pour cette rentrée, Boîte Noire, le thriller de Yann Gozlan avec Pierre Niney, la nouvelle création Marvel : Shang-Chi et la légende des dix anneaux ou encore Stillwater à la fin du mois, mais surtout, un des films les plus attendus de 2021, Dune de Denis Villeneuve.
D’abord annoncé pour novembre 2020, le long-métrage est repoussé internationalement à l’automne 2021. Doublement chanceux, le public français est gratifié d’une sortie européenne anticipée d’un mois face aux États-Unis qui ne découvriront le film que le 22 octobre mais également d’une avant-première mondiale au Grand Rex à Paris, le lundi 6 septembre 2021. L’équipe du film (Denis Villeneuve, Timothée Chalamet, Zendaya et Rebecca Ferguson) dévoilait alors le film quelques jours après sa projection à la Mostra de Venise.
Un classique de la science-fiction…
Adapté du classique éponyme de sci-fi de Frank Herbert paru en 1965, Dune suit Paul Atréides (Timothée Chalamet), fils du puissant duc Leto (Oscar Isaac). En 10191, l’Empereur confie au duc le contrôle d’Arrakis, planète dangereuse et désertique mais seule source galactique de l’Épice. Convoitée pour les pouvoirs surhumains qu’elle confère, la substance fait l’objet de conflits entre les différentes puissances de l’Imperium. Le duc, dame Jessica et leur fils Paul se rendent alors sur la planète pour contrôler l’extraction de l’Épice. Cependant, Paul est appelé à un plus grand futur : il pourrait être le Mahdi (messie) tant attendu par les Fremen, autochtones de la Dune.
Si les quinze premières minutes du film peuvent sembler longues et difficiles à comprendre pour un public découvrant l’univers de Dune, les deux heures suivantes sont captivantes et nous plongent dans un monde que le spectateur ne veut pas quitter lorsque les crédits se déroulent à la fin de la séance. Heureusement, une partie deux qui adaptera la suite du tome 1 est d’ores et déjà prévue pour 2024.

…et un casting 5 étoiles
Premier rôle principal dans un film de cette envergure, Timothée Chalamet prouve encore une fois son talent. L’acteur de 26 ans continue de s’illustrer dans des rôles de héros entre l’adolescence et l’âge adulte et si nous avions déjà pu le voir jouer les jeunes hommes apprenant à diriger et à régner dans The King (2019, Netflix), nous le découvrons sous un angle encore plus grave, sérieux et puissant dans Dune. Rebecca Ferguson est également très convaincante dans le rôle de Dame Jessica et livre l’une des meilleures performances du film. Mention spéciale à Zendaya qui n’apparaît finalement que peu par rapport à la promotion faite autour d’elle mais dont le rôle est clé.
Des intrigues pas si lointaines et futuristes
Même si ce n’est pas toujours évident, la science-fiction est bien souvent prétexte, pour les écrivains ou les réalisateurs, à élaborer une critique de la réalité et des dérives de notre monde. Qui n’a jamais entendu dire que Star Wars était une propagande américaine anti-soviétique interstellaire ? L’œuvre de Frank Herbert aborde de nombreux enjeux du temps de la parution des livres qui font encore écho à notre société actuelle : l’écologie, les rivalités politiques entre grandes puissances ainsi que les conflits économiques pour certaines ressources au péril des populations locales, le pouvoir des religions ou encore l’émancipation de certains peuples. Il est difficile de regarder la version 2021 de Dune sans faire de lien avec ce qu’il se passe hors de nos salles de cinéma. Et malgré le nombre important de sujets abordés et d’informations données sur l’univers, le spectateur ne se sent à aucun moment assommé comme si tout était parfaitement placé et venait à point nommé.
L’expérience des mille et un sens et images
Au-delà des belles performances et du scénario très intéressant, ce qui rend Dune aussi agréable, c’est le soin apporté dans le voyage que propose le film. Il s’agit d’une véritable expérience sensorielle et les différentes atmosphères liées aux planètes et aux personnages sont parfaitement rendues perceptibles, notamment grâce à la très belle photographie du film. Le clou du spectacle est indéniablement la bande-originale immersive et puissante signée Hans Zimmer qui se fond avec brio dans l’histoire.
On trouve dans la bande-originale de Dune comme dans les décors, les costumes ou les dialectes parlés par les personnages, une très forte influence des cultures arabes et nord-africaines. En effet, le roman original est lui-même inspiré des cultures orientales et les enjeux de l’histoire sont très similaires aux conflits que l’on connaît dans la zone géographique du Proche-Orient pour le pétrole, l’eau et le pouvoir. Le vocabulaire particulier de Dune est adapté de l’arabe. Le Mahdi est la traduction arabe de Messie, le jihad est censé libérer les Fremen de l’Imperium… Les palais eux-mêmes rappellent les constructions de l’Orient ancien et l’iconographie reprend des thèmes antiques ayant perduré dans les cultures orientales comme les représentations fréquentes de tauromachie dans le film.

Alors où sont les arabes et les berbères ?
C’est sur ce point que le film est décevant. Comme souligné au paragraphe précédent, Dune est fortement basé sur les populations arabes et nord-africaines. Il est évident que les Fremen sont inspirés des berbères nord-africains. Si ce n’est pas précisé dans le film, les Fremen vivent dans le Tanzerouft qui n’est pas purement un lieu de fiction mais une région du Sahara en Algérie, le Tanezrouft. Le terme Fremen en lui-même est une contraction de Free Men, traduction anglaise d’Amazigh en berbère. Les Amazigh sont un ensemble de tribus berbères d’Afrique du Nord à l’image des kabyles ou des chaoui par exemple. Frank Herbert emprunte aussi aux Amazigh leur façon de vivre et plus particulièrement aux bédouins, nomades du désert. Malgré un casting qui se veut diversifié, il est dommage de n’avoir aucun arabe ou berbère dans un des rôles principaux. Le rôle de Zendaya, Chani, aurait pu être attribué à une personne amazigh tout comme celui de Javier Bardem qui interprète Stilgar, le chef des Fremen. Il est de plus en plus courant (et c’est plus que normal) de diversifier les castings à Hollywood et cette représentation compte. Cependant, il est toujours rare pour les productions de gros studios d’engager des acteurs d’origine maghrébine ou arabe dans des rôles principaux. Dune en avait l’opportunité, presque le devoir quand l’œuvre qui inspire le film a été quasiment intégralement influencée par ces cultures…
Mona Sekkai