

La Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC) est un événement culturel et commercial organisé chaque année depuis 1974 à Paris. Depuis 2003, Jennifer Flay en a pris la direction. Galeriste spécialisée dans l’art contemporain, elle vise des marchands d’art internationaux et a pu faire revivre la FIAC en déclin depuis plusieurs années. On notera qu’elle a reçu depuis le titre de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres (2020) et précédemment celui d’Officier de la Légion d’honneur (2015).
Sur quelques jours, cette année quatre, les galeristes, les collectionneurs et collectionneuses se rencontrent à la FIAC.
Sur l’histoire de cet événement nous retiendrons quelques dates afin d’éclairer sur son évolution :
1982 : Entrée de la photographie à la FIAC avec un espace autonome
1996 : Par soucs d’internationalisation, 60%des galeries sont étrangères
2001 : Création du « vidéo cube » pour intégrer l’art vidéo
2004 : Ouverture au design et réflexion sur l’effacement des frontières entre les disciplines
2005 : Le FNAC (Fonds national d’art contemporain) achète 34 œuvres pour un montant de 420 000€ afin d’affirmer son soutien à la FIAC et au marché de l’art en France
2011 : Inauguration d’un parcours Hors les murs avec des installations d’œuvres dans Paris, visible par tou-te-s
2013 : 40e édition, 184 galeries de 25 pays
2015 : La FIAC est classée 6e foire mondiale en termes de fréquentation par Artnews avec 73 000 visiteurs et visitrices.
Pour 2021, la FIAC prend place au Grand Palais éphémère sur le Champ-de-Mars. On retrouve 160 galeries, de 26 pays. Chaque année c’est environ 70 000 personnes qui visitent, ce qui en fait un des événements majeurs dans l’année artistique parisienne.
Nous préciserons que nous nous sommes rendu-e-s à la FIAC avec un pass presse, car nous refusons, politiquement, les tarifs imposés par la FIAC : 40€ le pass normal, 27€ le tarif réduit ; pas de tarifs spécifiques pour les étudiant-e-s en art ou pour les demandeurs et demandeuses d’emploi. La politique tarifaire est avant tout une politique de classe, où l’on comprend vite quel est le public recherché et attendu à un tel événement, refusant alors que les classes populaires aient accès à la délectation de l’art contemporain. Pour nous, il nous reste cependant la FIAC hors les murs, qui sert un peu de « faire-valoir » de la FIAC pour se rassurer sur son inclusion sociale. Le fait de garder en extérieur les classes populaires et de faire « entrer » la bourgeoisie dans le lieu est très symbolique de l’accessibilité des productions actuelles et de la volonté des galeries de rester inaccessibles, pouvant ainsi rester un fantasme pour la majorité des gens, et un lieu d’achat pour les classes les plus hautes. Une fois de plus, une belle démonstration de la violence de classe au sein du milieu artistique.
Le public rentre dans les espaces de la FIAC qui sont emplis du public, parmi lequel on doit se faufiler pour entrer dans les « cases » des galeries et des artistes. Une fois arrivé-e dans un espace artistique, nous devons attendre pour voir les œuvres, dans un lieu encore une fois saturé, par le public mais pas uniquement, puisqu’on retrouve systématiquement une table de vente avec les galeristes prêt-e-s à faire leurs commissions. Ces tables sont parfois d’une taille démesurée par rapport à la superficie de l’espace. Ce temps de latence incessant fatigue très vite dans notre visite, on rechigne à prendre le temps de voir tous les espaces.

Il est évident que nous ne sommes pas là pour la délectation, mais pour le commerce. D’ailleurs nous avons pu le remarquer lorsqu’un visiteur arrive devant un tableau de Kehinde Wiley et dit « oh un Pierre&Gilles, génial ». On peut admettre qu’il est impossible de ne pas connaître tou-tes les artistes, mais la galeriste ne l’a pas indiqué et est allée dans son sens afin de ne pas froisser un potentiel client. Dans cette même idée, beaucoup de personnes ne portaient pas leur masque, pourtant indiqué comme obligatoire à l’entrée ; vigile ou personnel ne viennent leur rappeler. Le/la client-e est vraiment roi ici, peu importe ce que ça implique.
Et nous, en tant que « jeunes », étudiant-e-s, venu-e-s pour la délectation et la curiosité, on se sent presque mal à l’aise, pas à notre place tellement la violence de classe est criante à cet événement.
Nous sommes face à une véritable performance sociale avec une monstration, voire un véritablement étalement d’une richesse visible. Nous remarquons aussi la présence de beaucoup de jeunes familles de trentenaires qui ont amené leur bébé ou très jeunes enfants. Loin de nous l’idée de priver les enfants de l’art ou de l’espace public, mais la FIAC n’est pas un espace adapté aux enfants : dans ce lieu très grand et très fréquenté, il est difficile de retrouver son enfant si le parent le lâche des yeux quelques secondes. Notons aussi de multiples interdictions comme le toucher, hausser la voix, le jeu, etc. Plusieurs couples installent leur poussette devant des œuvres pour les prendre en photo. L’enfant est donc réifié dans le but de communiquer sur l’image d’une pseudo-famille parfaite alliant rôle de parents et consommation culturelle. Nous pouvons aussi y voir une reproduction sociale dès le berceau, avec des photos souvenirs de bébé à la FIAC 2021, dans son véritable habitus. Ce lieu oscillait entre centre commercial culturel et spéculatif et lieu de sociabilisation de la bourgeoisie intellectuelle.

Si nous revenons au centre de notre sujet : au sein de cette édition de la FIAC 2021, on retrouve des artistes tout à fait contemporain-e-s, mais aussi des grands noms comme Nan Goldin, Anish Kapoor, Daniel Buren, Louise Bourgeois, César, Pierre Soulages, Annette Messager, etc. Nous avons pu apprécier l’espace de la galerie Kamel Mennour qui tient toujours ses promesses en termes de qualité avec des œuvres de Monellet et Ufan.
Notre coup de cœur a été pour l’espace Luboš Plný, artiste tchèque de 59 ans, représentant d’un art brut contemporain clair et percutant. Sa thématique de travail est le corps humain et son fonctionnement, sujet que l’on retrouve dans les œuvres présentées à la FIAC avec une scénographie digne d’une exposition. On remarque l’incrustation de son visage sur certaines œuvres, ce qui est assez courant dans son corpus, une caractéristique qu’il appelle des « anatomical self-portraits ».

On regrette toutefois, et ce pour l’ensemble des espaces, l’aspect très resserré et très concentré des œuvres, dans le but d’en montrer le plus, mais l’impossibilité pour nous de prendre le recul nécessaire à l’appréciation des plus grands formats.
Sans étonnement on remarque le manque cruel de représentation des femmes artistes. Nous remercions le compte instagram de @artgirls_galerie pour le recensement et les chiffres :
FIAC Hors les murs : 19 % d’artistes femmes
FIAC OVR : 33 % d’artistes femmes (OVR : Online Viewing Rooms)
Évidemment ces chiffres sont insuffisants, même offensants en 2021. Avec la montée des mouvements féministes dans la culture et les arts, il semble politiquement compliqué pour un événement tel que la FIAC de continuer à invisibiliser les artistes femmes. Il faut que l’équipe de Jennifer Flay ait une véritable politique de mise en avant des artistes femmes lors de la FIAC, pour leur donner une place plus importante dans le marché de l’art et faire monter leur cote, et finalement renforcer l’intérêt des collectionneurs et collectionneuses envers ces artistes. On regrette bien entendu ce système du marché de l’art, mais tant que nous sommes bloqué-es dedans, autant que les artistes femmes puissent (sur)vivre de leur pratique.
Article rédigé par : Marion Cazaux (@mhkzo)