
L’exposition « Têtes à Têtes, Lucas Cranach le Jeune / Collège Molière de Colmar, Portraits » ( 06.11.2021 – 07.02.2022) réunit, autour de deux espaces, treize dessins de Lucas Cranach le Jeune et neuf portraits photographiés réalisés par des élèves de 3ème du collège Molière de Colmar. Art du portrait et dessin didactique sont les lignes directrices de cette exposition mettant en valeur la relation entre l’artiste et son modèle.
De l’art du portrait dessiné…
Tout d’abord, il est important de noter que l’attribution des dessins à Lucas Cranach le Jeune (1515-1586), successivement octroyée à Dürer, Holbein ou encore Cranach l’Ancien, n’a été confirmée qu’en 2015, lors de la rétrospective Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg. Acquis lors d’un séjour en Allemagne par le peintre Jacques-Philippe Ferrand (1653-1732) et légués par son fils, Antoine Ferrand de Monthelon à la ville de Reims en 1752, ces dessins ont servi de modèle aux élèves de l’école de dessin de Reims.
Lucas Cranach le Jeune, Philippe Ier, duc de Poméranie-Wolgast, vers 1540-1541, détrempe, pierre noire, estompe au fusain sur papier vergé à la forme collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer. Lucas Cranach le Jeune, Ernest III, duc de Brunswick-Grubenhagen, vers 1541-1542, détrempe sur papier vergé à la forme collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer. Lucas Cranach le Jeune, Maurice, duc de Saxe vers 1545-1550, détrempe sur papier vergé à la forme collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer.
Lucas Cranach le Jeune exécute ses dessins entre 1540 et 1550, dans l’atelier de son père, Lucas Cranach l’Ancien, peintre officiel de la cour de Saxe depuis 1505. Sur une feuille de papier chiffon, ces dessins d’après nature forment un ensemble unique de portraits de famille de l’aristocratie allemande dont les ressemblances sont manifestes, notamment au niveau du regard perçant. Ces portraits de trois quart, tracés au fusain sur un fonds préparé ocre, s’attardent sur les traits des visages avec un travail minutieux au niveau des barbes des hommes. La technique de la tempera rapproche ces dessins à la peinture. Ainsi, avec ses dessins qui servaient, à l’origine, d’esquisses destinées à la diffusion des portraits, Lucas Cranach le Jeune s’ancre dans son siècle qui voit l’essor du portrait d’apparat.
Lucas Cranach le Jeune, Catherine, princesse de Brunswick-Grubenhagen, vers 1540-1541, détrempe, tracés préparatoires à la pierre noire, sur papier vergé à la forme collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer. Lucas Cranach le Jeune, Un jeune garçon (Un prince de Saxe, Jean-Frédéric III de Saxe ?), vers 1540, détrempe, tracés préparatoires au fusain et pierre noire (?), estompé, sur feuille de papier vergé à la forme collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer. Lucas Cranach le Jeune, Un prince de Saxe (Jean-Guillaume Ier de Saxe ?), vers 1540, détrempe sur feuille de papier vergé à la forme, filigrané, collé en plein sur carton, Reims, Musée des Beaux-Arts, © C. Devleeschauwer.
D’études préparatoires, ces dessins sont devenus de véritables œuvres d’art en entrant dans les collections du musée des Beaux-Arts de Reims. La commissaire de l’exposition, Magali Haas, a voulu conserver le caractère précieux des dessins en les installant dans un cabinet, une pièce intime, témoignant de cette volonté de mettre à l’honneur les dessins de Lucas Cranach. Le parti pris de laisser à l’écart tous les documents explicatifs de médiation semble alors réussi et cohérent avec le projet d’exposition.
… à l’art du portrait photographié
Le Musée Unterlinden, en collaboration avec Xavier Gaschy, professeur d’arts plastiques, et Vanessa Moselle, photographe, a entrepris une très belle initiative de faire participer des élèves à cette exposition. Au cours de l’année scolaire 2019-2020, des élèves de 3ème ont pu s’essayer à la pratique photographique et découvrir les techniques de ce medium. Sur un format de 1 mètre sur 4, neuf personnalités de la culture alsacienne sont représentées en noir et blanc, rappelant les origines de la photographie, dans un vaste espace. Le public aperçoit ces photographies depuis la mezzanine de la « La Piscine » permettant une vue d’ensemble. La relation de confiance qui s’est construite entre les personnalités et les élèves se ressent à travers ces portraits photographiés.
La Piscine, « Portraits d’aujourd’hui », Colmar, Musée Unterlinden, © Sophie Blanchard. La Piscine, « Portraits d’aujourd’hui », Colmar, Musée Unterlinden, © Sophie Blanchard.
L’artiste et son modèle
L’exposition montre que l’art du portrait est toujours présent aujourd’hui, à travers des techniques différentes. Grâce à la mise à disposition de matériel, le visiteur peut devenir artiste ou modèle le temps d’une pose. Les questions du portrait officiel, des mystères de fabrication et des dessous de l’histoire de chaque œuvre se profilent tout au long de l’exposition, et vont jusqu’à interroger le statut d’une œuvre : si cette dernière est exposée dans un musée, même si elle a été réalisée par des élèves, est-elle élevée au rang d’œuvre d’art ?