
À quelques jours de Noël, le Ciné-club est heureux de vous présenter sa séance de décembre. Et cette année « voici une boite à cigarette qui rendra les fumeurs mélomanes et… », euh non, voici un film qui rendra les spectateurs amateurs de cinéma et les amateurs de cinéma spectateurs le 14 décembre à 18h (plus d’informations au bas de l’article) !

Adaptée d’une pièce et comédie musicale de l’américano-hongrois Miklos Laszlo intitulée La Parfumerie, The Shop around the Corner nous conte les péripéties de Matuschek et Cie, de M. Matuschek (Frank Morgan) et de ses employés. Klara Novak (sublime Margaret Sullavan) et Alfred Kralik (James Stewart) y travaillent et se supportent comme ils le peuvent. Ils rêvent tout deux d’un idéal d’amour que leurs correspondances épistolaires anonymes tendent à leur apporter. Mais un jour, Alfred découvre que sa mystérieuse correspondante n’est autre que Klara, sa collègue.

Entre inventaire, vente, et investissements dans de nouveaux produits, c’est la préparation des fêtes de fin d’année qui se profile chez Matuschek & Compagnie, et quoi de plus romantique que Noël ? Passer le réveillon auprès de l’être aimé, ou de la famille, déballer ses cadeaux….
The Shop around the Corner est un tendre film comme on sait les apprécier par le temps froid du mois de décembre. Romance poétique, il met en scène la vie d’une boutique guidée par un duo de choc voulu par Lubitsch. The Shop around the Corner s’amuse des relations entre les deux personnages qui s’éloignent et se rapprochent au travers de leurs activités quotidiennes grâce au principe typiquement vaudevillien de double énonciation. Le rire est créé par des quiproquos entre les deux vendeurs dont seuls les spectateurs connaissent les tenants et aboutissants.

Mais plus qu’une simple romance, c’est aussi une des rares bobines à mettre en scène le thème de la romance dans un cadre plus populaire. Loin des boutiques de luxe, Rendez-vous aborde des questions sociales essentielles en ce début des années 1940. Le chômage, la fragilité de l’emploi, la questions des revenus essaiment en filigrane ce film à hauteur d’homme et le placent en marge du genre des comédies hollywoodiennes de la période, plus centrées sur la grande bourgeoisie américaine. The Shop around the Corner devient en effet l’étude d’un microcosme, d’une classe moyenne aux désirs simples mais universels. La finesse avec laquelle Lubitsch effleure ces sujets leur permet pourtant de s’effacer, au profit de la trame romantique principale du film.
Et The Shop around the Corner signe probablement la naissance de la Romcom. Déjà habitué du genre comique et de l’expression des sentiments dans ses précédent films, le réalisateur choisit ici d’inscrire l’histoire dans ce cadre réaliste. Pour faire rêver le spectateur, il faut qu’il puisse y croire. Lubitsch disait d’ailleurs en octobre 1939 : « Nous ne pouvons plus désormais tourner des films dans un espace vide. Nous devons montrer des gens qui vivent dans un monde réel. Autrefois les spectateurs n’avaient pas besoin de se demander quelle vie menaient les personnages d’un film, pour peu que les films soient assez distrayants. Maintenant, ils y réfléchissent. Ils voudraient voir des histoires qui aient quelque chose à voir avec leur propre vie ». Et mettant en application ses propres dires, il créé des personnages équilibrés en mettant en exergue certain de leurs défauts.

Mais Lubitsch s’amuse aussi des possibles du cinéma ! Il se joue des espaces dans un quasi huis-clos rythmé par une valse de portes : de l’intérieur de la boutique à sa vitrine, de la réserve au bureau, etc. Conscient des limites imposées par le processus cinématographique, Lubitsch utilise ces portes, escaliers et effets de verticalité comme ressorts comiques propices à étendre les voies d’entrée de ses personnages sans jamais tomber dans le mélodramatique. Véritable ballet burlesque au dynamisme porté par des dialogues ciselés, un humour parfois cynique ou noir, des espérances amoureuses, peut-être illusoires ou naïves, The Shop around the Corner est une oeuvre de maître qui fait de chaque visionnage un plaisir renouvelé.

Le ciné-club de l’école du Louvre vous propose de (re)venir profiter du film lors de la projection qui se déroulera le mardi 14 décembre à 18h dans l’amphithéâtre Goya !
Si vous êtes extérieur à l’école pensez à envoyer, au plus tard 48 h avant la séance, vos nom et prénom à cineclubecoledulouvre@gmail.com.
