

A l’occasion des vingt ans de la série, le manga Tokyo Mew Mew s’offre le luxe d’une nouvelle édition chez NOBI NOBI (anciennement chez Pika Editions). C’est l’occasion d’aborder ce magical girl iconique, qui, derrière son allure naïve et enfantine, propose aux lecteurs une réflexion plus profonde. Le manga de Reiko Yoshida (scénario) et Mia Ikumi (dessin), dont la parution a commencé en 2000 dans le magazine Nakayoshi, a connu une forte popularité grâce à son adaptation en animé traduit en de très nombreuses langues.
S’inscrivant dans le sous-genre de la magical girl, Tokyo Mew Mew fait face à d’autres grandes séries du genre : Mermaid Melody Pichi pichi pitch, Ojamajo Doremi, ou encore, l’iconique Sailor Moon. Pour autant, le manga tire son épingle du jeu par une thématique toute particulière : l’écologie
NOTE : Magical Girl est un sous genre du shojo (terme de catégorisation commerciale, se traduisant littéralement par « fille », shojo est un genre destiné à un lectorat majoritairement féminin) dans lequel est mise en vedette une jeune fille qui se voit attribuer des pouvoirs magiques. Son but est de combattre le mal. La magical girl n’est pas seule mais fait partie d’un groupe complet de jeunes filles possédant chacune une couleur distincte et un pouvoir spécial.
SYPNOSIS

Tokyo Mew Mew, c’est premièrement l’histoire d’Ichigo Momomiya, une jeune collégienne de 12 ans amoureuse de son camarade Aoyama. Le manga fait tourner son histoire autour de sa romance principale dans laquelle reposent de nombreux tenants et aboutissants.
Comme pour un bon nombre de shojo (bien que le genre évolue et se diversifie), la romance fait partie intégrante de l’histoire et en est même le fil conducteur. Pour autant, l’histoire de Momomiya et Aoyama passe souvent en second plan pour laisser apparaître la problématique de la série.
À la suite d’un événement bien étrange, Ichigo Momomiya n’est plus la simple collégienne des premières pages mais bien un personnage extraordinaire : après tout, elle possède maintenant en elle les gènes d’un animal en voie de disparition, le chat d’Iriomote. La marque qui figure sur sa cuisse deviendra le symbole de reconnaissance entre chacune des Mew Mew. Ichigo Momomiya, Minto Aizawa, Retasu Midorikawa, Pudding Fond et Zakuro Fujiwara, toutes aussi différentes en style qu’en caractère, se retrouvent alors à travailler ensemble dans un charmant café, la couverture parfaite pour une base d’opérations tenue par les deux gérants des lieux à la tête de toutes ses manigances, Ryo Shirogane et Keiichiro Akasaka.
La menace ne tarde pas à venir quand trois extraterrestres, Kisshu, Taruto et Pai, viennent s’en prendre aux Mew Mew en utilisant la faune alentour pour causer des ravages sans précédent. Pour autant, la menace que l’on voit arriver dès les premières pages pourrait s’avérer être bien plus sympathique que prévue pour les lecteurs, notamment face à ce qui se profile de plus grand à l’horizon.
SENSIBILISER LA JEUNESSE
Tokyo Mew Mew est avant tout un manga où les protagonistes, au-delà de combattre le mal, portent en elles des caractéristiques bien particulières. Chacune possédant les gènes d’un animal en voie de disparition, le public s’attache alors non pas à la jeune fille ou à l’animal mais bien à l’ensemble des deux. La mention constante des noms des animaux ainsi que les scènes personnelles de chaque Mew Mew dans un environnement propre à l’animal qui l’habite permettent d’aborder l’importance du lien entre l’Homme et l’animal, de la protection de l’habitat naturel de chacune des créatures, de l’intérêt de protéger la faune et la flore et de faire découvrir à tous ceux qui lisent et regardent l’animé la beauté de l’écosystème. Les opposants attaquent en détruisant autour d’eux l’espace et transforment des animaux dans le but d’en faire des créatures chimériques, victimes envers lesquelles on ne peut ressentir que l’impuissance et la nécessité d’en prendre soin.


Mais au-delà de la faune, Tokyo Mew Mew porte aussi un discours fort sur la protection de la flore. Les attaques souvent nombreuses des Mew Mew se finissent bien souvent par une attaque spéciale d’Ichigo Momomiya. Grâce à son artéfact lui permettant de réunir le pouvoir de chaque Mew Mew en son cœur, Momomiya redessine bien souvent le paysage, jusqu’à parfois recouvrir le Tokyo Dome d’arbres gigantesques ou en laissant la nature reprendre ses droits.
CRITIQUE DE L’HUMANITÉ

Si l’on a tendance, dans de nombreux récits pour les jeunes, à suivre une construction manichéenne, opposant fermement le gentil aux nobles espoirs face aux méchants destructeurs, Tokyo Mew Mew vient drastiquement briser cette représentation codifiée. Kisshu, Taruto et Pai se présentent petit à petit comme des personnages plus profonds et complexes. L’installation du background se fait petit à petit afin d’atteindre son paroxysme dans la conclusion de l’histoire. Venus sur terre pour détruire l’humanité, si les ennemis s’amusent à torturer la nature et créer des créatures hybrides, ils ne font en fait rien de plus que jouer avec les armes humaines. Après tout, qui mieux que ces personnages peuvent s’en prendre à la Terre, si ce n’est l’humanité elle-même.
On retrouve très vite une critique du monde, de l’humain et de son rapport avec la planète. Dans une société en pleine expansion comme le Japon, dans l’avancée technologique constante, Tokyo Mew Mew pointe du doigt l’horreur de l’humanité. Si Kisshu, Taruto et Pai cherchent à se débarrasser de l’humanité, c’est avant tout pour que leur propre peuple puisse enfin se trouver une nouvelle planète viable. Tel un écho au futur de l’humanité : les extraterrestres ont dû quitter la terre qu’ils habitaient, devenue inhabitable à cause de la pollution. Et si leur haine se montre si forte, c’est parce que l’humanité possède ce qu’ils recherchent, parce que l’humanité n’a que faire de la destruction de la Terre.

Si dans son packaging et son charadesign, Tokyo Mew Mew semble s’adresser à un lectorat jeune, l’œuvre se présente au contraire plus mature que prévue, pouvant se montrer assez violente, notamment par la redondance de la thématique de la mort. La beauté du manga se place dans les relations entretenues entre les personnages.
Les Mew Mew et les extraterrestres se font face jusqu’à se découvrir, se rendant compte bien plus de leurs ressemblances communes que de leurs divergences et différences. Les divers points de vue permettent de rendre la thématique bien plus complexe, plaçant le lecteur dans un entre-deux.
DEJOUX Chloé