Im – Great Priest Imhotep : une Égypte antique hors de l’Histoire

ATTENTION RISQUE DE SPOIL

L’Egypte antique… Un univers qui fascine depuis des siècles. La découverte de la Pierre de Rosette en 1799 puis sa traduction en 1822 par Champollion, la découverte du tombeau de Toutânkhamon par Howard Carter, et bien d’autres découvertes souvent moins médiatisées ont permis de créer cet imaginaire collectif autour de l’Egypte antique, qui, au-delà de sa perception historique, est doté d’un aspect magique indéniable.

C’est notamment cette magie que Morishita Makoto emprunte à l’Egypte antique en écrivant Im~イム~ qui sort dès 2015 au Japon (2017 pour en France chez Ki-oon). La mangaka mêle alors des personnages historiques tels que le grand prêtre Imhotep ou le roi Djéser avec le Japon actuel. La trame historique est ainsi totalement brisée, permettant ainsi le choc de deux mondes, deux modes de vie, deux perceptions différentes.

Un petit Résumé

L’histoire se déroule 3000 ans après l’existence d’Imhotep. Le monde se repeuple de Magai, démons maléfiques. Il est alors réveillé par ceux qui le gardaient afin de les éliminer. Détenteur de très grands pouvoirs, il s’est attiré la colère des dieux et avait fini par être condamné au sommeil éternel car considéré comme le pire criminel. Vouant une véritable haine pour ces démons, il se met immédiatement en chasse pour les détruire. Malgré sa bonne volonté, il a été réveillé dans un monde qu’il ne connaît pas, un pays qui lui est étranger et sans aucun soutien pour lui prêter main forte. C’est à ce moment qu’il rencontre Hinome.

Hinome est une jeune lycéenne mise à l’écart. Des rumeurs courent à son sujet : si on s’en approche, on finirait maudit. Huit ans plus tôt, un incendie lui a fait perdre la voix… et dès qu’elle essaie de parler, des flammes viennent remplacer les sons. Ceci, ajouté à la collection d’objets occultes de son père, font qu’Hinome se tient à l’écart des autres élèves. Elle fait alors la rencontre d’Im en rentrant chez elle après les cours. Malgré sa bizarrerie, elle l’héberge chez elle. Il va alors complètement bouleverser sa vie en la bousculant et en l’entraînant dans ses aventures. Le premier Magai qu’Im détruit est celui qui avait pris possession du corps d’Hinome, ce qui va lier leur destin, en plus de lui avoir rendu la parole. 

Anubis : un enfant colérique ou un grand dieu ?

Bien que ce manga emprunte à l’Egypte antique ses personnages, il en donne un aperçu adouci et moins complexe que la réalité. Un des exemples les plus flagrants étant la figure d’Anubis.

Le dieu de l’embaumement est habituellement représenté sous les traits d’un homme de grande taille à tête de chacal. Or ici, il est représenté sous la forme d’un enfant encore immature. Au cours du manga, on apprend qu’il doit suivre un entraînement strict et devenir le disciple d’un grand prêtre avant de pouvoir accéder au rang de véritable dieu. Or, ce petit Anubis est rejeté par les siens car il n’a aucun talent. On lui confie donc en dernier recours à l’instruction d’Imhotep.

Nous nous retrouvons alors face à un portrait d’un enfant d’Anubis pervers et maladroit, bien qu’il permette à Imhotep de poursuivre sa quête en le soutenant. Et c’est cette représentation d’Anubis qui tranche totalement par rapport à l’image que l’on a du dieu égyptien.

Morishita Makoto nous propose une réinvention de l’Egypte antique tout en apportant des explications parfois historiques sur les personnages qui nous permettent d’en apprendre plus malgré les modifications qu’elle apporte aux personnages pour les intégrer à son univers.

Imhotep et Djéser : l’histoire d’une amitié

Tout comme Anubis, Imhotep et Djéser sont des personnages clés de l’Egypte antique que la mangaka transpose dans cet univers. De nombreux cartels au fil du manga nous permettent de découvrir ces personnages, au travers souvent de petites anecdotes.

Imhotep a vécu au troisième millénaire avant notre ère, à l’époque du roi Djéser dont il était le vizir et architecte, ainsi que grand prêtre. Au-delà de ces fonctions, il est également reconnu pour avoir réformé le visage religieux de l’Egypte antique en y intégrant le mythe osirien. À partir du Moyen Empire, son statut change et il est considéré comme un sage, souvent associé au dieu Thôt, dieu de la connaissance et de l’écriture. Suite à cela, Imhotep est même divinisé et adoré. À tel point que dans la ville de Memphis, il reçoit réellement le titre de dieu et son culte détrône celui de Nefertoum, fils du grand Ptah. Autre exemple, à Philae, un temple lui est dédié à côté de celui d’Isis.

Le mythe osirien ou d’Osiris nous est parvenu grâce au grec Plutarque. Ce mythe relate l’origine de l’Egypte et de son panthéon de dieux. On trouve alors toute une mythologie autour de cette création, avec Atoum en “père” des dieux.

Djéser (ou Djoser) est considéré comme l’un des plus grands pharaons de l’Histoire, malgré  sa jeunesse, avec pour mot d’ordre de son règne la paix. Premier roi de la IIIe dynastie, il est le fondateur de l’Ancien Empire. Cette image d’une Egypte en paix et unie, il la promeut avec son vizir, architecte (et selon certaine transcription ami personnel) Imhotep, à qui il commande la première pyramide à degrés : la pyramide de Saqqarah.

Morishita Makoto, dans son manga, joue alors sur cette relation ambigüe entre ses deux personnages. Les deux sont présentés, dans les flashbacks nous ramenant à l’époque d’Im,  comme vraiment proches. À tel point que Djéser offre à Im un bracelet de la Lune, tandis que lui possède celui du Soleil, en preuve d’amitié… ou plus ? Qui sait. Toujours est-il que cette relation est au cœur des conflits qui se déroulent par la suite. Sans dévoiler toute l’intrigue de ce manga, il est impossible d’en dire plus sur leur relation, ou le lien que cela a avec les Magai. Cependant, la mangaka ici joue avec ses personnages historiques en les démystifiant en leur accordant des traits plus “humains”, dans le sens où n’importe qui peut alors s’identifier à leur histoire, en cassant cette hiérarchie établie par un roi et un grand prêtre antique.

Thôt et Apophis : deux dieux, un combat

Si historiquement Imhotep est associé à Thôt, la mangaka le reprend aussi dans son œuvre. Elle associe en revanche Apophis à Djéser, créant ainsi cette dualité entre les deux amis.

Thôt est le dieu de la connaissance, de l’écriture, mais aussi du calcul et de la mesure du temps. Il était considéré comme le scribe des dieux. Il peut être représenté avec le corps d’un homme et la tête d’un ibis.

« Celui qui s’est manifesté comme le coeur, celui qui s’est manifesté comme la langue, sous l’apparence d’Atoum, il est Ptah le très ancien qui attribua la vie à tous les dieux et à leurs génies, par ce cœur de qui le dieu Horus est issu, par cette langue de qui le dieu Thot est issu, en Ptah. » [Hermann Junker, Die Götterlehre von Memphis, Berlin.]

Cette filiation à Ptah, on la retrouve également avec Imhotep, comme mentionné plus tôt. Selon la légende, ceux qui parvenaient à déchiffrer les formules magiques du livre de Thôt obtenaient un pouvoir surpassant celui des dieux eux-mêmes. Cela a son importance lorsqu’on le met en parallèle avec le geste d’Imhotep dans le manga qui lui vaut une condamnation à un sommeil éternel. D’autant plus que Djéser offre un bracelet de la lune à Im, alors que Thôt est justement un dieu lunaire.

Apophis quant à lui dispose d’une image et d’une réputation moins positive. En effet, le dieu-serpent symbolise le mal et l’ensemble des forces destructrices, jamais détruites bien que constamment combattues et défaites. Apophis ne peut être détruit car son existence est essentielle dans la balance de l’univers bien qu’il doive être contenu pour ne pas que l’univers sombre dans ses ténèbres.

Ce manga nous offre un duel final entre ces deux personnalités qui s’opposent. La dualité du bien et du mal, de la connaissance et du néant, est enrichie d’une dimension supplémentaire par la présence des deux amis que sont Im et Djéser. Le combat connait-il une issue aussi prévisible qu’utile, ou les deux amis retournent-ils le court des choses ? À vous de lire ce manga pour le savoir. Mais toujours est-il que ce jeu entre Histoire et fiction que réalise Morishita Makoto nous tient en haleine durant les onze tomes de son manga.

Bien loin du cadre plus historique que peut nous offrir La Reine d’Egypte d’Inudo Chie, ce manga nous offre un univers mêlant humour, magie et combat. Il nous permet de voyager à travers les âges, les mondes, et on s’y laisse facilement porter… Presque à se demander ce que serait notre monde si la magie existait. Dans un sens, n’existe-t-elle pas?

Léa Sangy

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