Antonio Lopez : illustration pop, fashion et résolument sexy

« Dans la mode, les créateurs les plus doués parviennent à capture l’esprit de leur époque tout en restant atemporels » (au sujet d’Antonio Lopez par les galeries d’East of Mayfair)

Le nom d’Antonio Lopez est tombé en désuétude. Le temps aurait-il eu raison de lui ? Pour autant, il semble bien qu’Antonio Lopez soit immortel pour le monde de la mode, un moteur sans fin, influençant le vêtement au-delà de sa propre existence.

Né à Porto Rico auprès d’une mère couturière, Antonio Lopez entreprend ses premiers apprentissages. La légende veut qu’il aurait dessiné sa première robe à 2 ans. Mais à 7 ans, il quitte sa vie pour New York et entreprend par la suite des études dans la Fashion Institute of Technology. Il a marqué les années 60, 70 et 80 comme photographe et illustrateur de mode, travaillant en étroite collaboration avec des grands noms comme Andy Warhol, Karl Lagerfeld ou bien encore Yves Saint-Laurent, pour lequel il devient son styliste.

La survivance de l’illustration de mode

L’illustration de mode est une activité artistique présente dès le XVIIe siècle, voire durant le XVIe, par l’intermédiaire de gravures. On estime par ailleurs que les « premières revues de mode » voient le jour sous le règne de Louis XIV. Au XXe siècle, l’illustration connaît sa période de gloire en étant notamment affiliée à la Haute Couture. Pour autant, elle connaît un déclin considérable après la disparition de René Bouché.

Figure de proue, commençant l’illustration pour Vogue en 1938, René Bouché s’illustrait comme un grand portraitiste français et un illustrateur de mode. Sa mort marque, de façon symbolique, la fin de la prédominance de l’illustration de mode, une prédominance effacée par celle de la photographie.

Antonio Lopez lui permet pourtant une survivance, transformant la mode en un véritable art à part entière. Sa notoriété est telle qu’il gagne les couvertures de Elle, The New York Times, Harper’s Bazaar et bien entendu Vogue. Ce qui fait d’Antonio Lopez un cas à part, c’est sa faculté à devancer les tendances, à produire un art évolutif qui suit les mouvements artistiques qui jaillissent de toutes parts. Sa contribution révolutionne le monde des magazines.

Cette illustration du catalogue de Vogue de l’année 1984 a pour titre « Fourrures : la ‘grande’ différence ». Elle oppose, sur une double page, une photographie de Peter Lindbergh, dont la touche artistique se définit par une certaine authenticité, une honnêteté, cherchant à s’éloigner des carcans stéréotypés de la mode féminine, face à une illustration d’Antonio Lopez. On y retrouve ici la spécificité de l’artiste : une touche dynamique qui définit sa conception de l’idéal féminin. La carrure massive que procure la fourrure octroie à la femme une force nouvelle soutenue par une élégance, notamment par l’ajout de gants délicats dans un noir presque soyeux.

La femme par Antonio Lopez

Antonio Lopez est à l’image de sa période : le symbole d’une insouciance pop seventies. Il est marqué par le kitsch, ce kitsch critiqué comme le mauvais goût ultime mais repris par les surréalistes et le pop art d’Andy Warhol. Antonio Lopez le reprend jusqu’à jouer aux abords du camp. Le terme, intraduisible, pourrait être compris comme « le bon goût du mauvais goût ».

Mais il emprunte aussi au surréalisme de Joan Miro, à l’Art Nouveau, au Pop Art d’Andy Warhol et à l’expressionnisme d’Egon Schiele : Warhol pour ses couleurs pop, son illustration publicitaire, son goût pour le populaire, Schiele pour sa manière de concevoir ses corps.

De ce complexe mélange, Antonio Lopez conçoit son idéal féminin : une femme élégante, couverte de strass, insoumise, incandescente et sexuelle. Elle traduit sa créativité sans fin, son esprit vif et ambitieux, interrogeant sans cesse le genre et ses codes. Sa manière de dessiner les femmes et de les capturer en photo témoigne de son amour pour celles-ci. Elles sont sensuelles, libres, fortes et dominantes. Elles ne craignent rien. Il en a fait des muses avant-gardistes.

S’il fallait définir l’art d’Antonio Lopez, Mauricio et Roger Padilha, auteurs du livre Antonio Lopez : Fashion, Art, Sex & Disco, n’emploieraient que cinq mots : mode, art, sexe, disco et légende. Antonio Lopez transforme la mode, en fait un prétexte pour aborder la beauté, la sensualité, la vie. Elle lui permet, comme l’explique Anne Morrin, commissaire de l’exposition « Antonio Lopez, une écriture visionnaire », à « déconstruire les langages pour en libérer leur sens et reconstruire le sien ».

Il est devenu à son tour un artiste qui marque, influençant, entre autres, la designer Anna Sui ou le mangaka Hirohiko Araki. Oublié mais pas effacé, il continue de marquer l’art de la mode grâce à un style propre et unique. L’illustration d’Antonio Lopez pourrait être vue comme un art qui repousse les limites, emmenant la mode vers une vision multiculturaliste américaine à un moment important où l’art moderne rencontre la mode et la culture queer. La mode d’Antonio Lopez n’est plus entreprise dans une optique d’habiller. Elle devient le support d’un travail d’exploration et de composition.

Chloé DEJOUX

Références visuelles (images) :

  • Illustration par Antonio Lopez, Vogue, mars 1985
  • Illustration par René Bouché, Vogue
  • Photographie par Peter Lindberg et illustration par Antonio Lopez, Vogue, octobre 1984
  • Photographie par Antonio Lopez, Série Eau Bleue : Pat Cleveland, Paris, 1975
  • Illustration par Antonio Lopez, Vogue, 1986
  • Illustration par Antonio Lopez représentant la mannequin Carol LaBrie, Vogue Italie, 1971
  • Illustration par Antonio Lopez, Vogue, 1986Illustration par Antonio Lopez représentant la mannequin Carol LaBrie, Vogue, 1969

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