Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard (1965)


Le Ciné-club de l’Ecole du louvre vous invite à venir voir Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard le 11 octobre prochain à 18 h dans l’Amphithéâtre Dürer.

Avis aux personnes extérieures à l’École du Louvre ! Vous pouvez assister à la séance à condition de nous envoyer un mail avec votre nom et prénom (ainsi que ceux des personnes vous accompagnant) au minimum 48h avant la séance à cineclubecoledulouvre@gmail.com. Cette inscription est obligatoire dans le cadre du plan vigipirate, pensez donc à vous munir d’un justificatif d’identité. Il ne s’agit pas d’une réservation pour notre séance.


Attention : Rien dans cet article ne se veut parfaitement objectif, montage lui-même. Cette présentation, parmi mille autres, commente un film qu’il faut voir pour le faire sien.

JLG signifie Jean-Luc Godard.

Celui à qui nous souhaitons rendre hommage l’a dit, de son authentique voix : Manet a ouvert la voie à l’art moderne, c’est-à-dire « à une forme qui pense« . La jeune fille à la perle de Vermeer ne pense pas à ce à quoi pense la serveuse du Bar aux Folies Bergère. Le regard de celle-là demeure une énigme transparente, mystère qui est absence de mystère.

Ça, c’est dans Histoire(s) du cinéma. C’est ce même regard qu’Anna Karina nous lance dans Pierrot le Fou, regard diaphane et opaque du ciel du midi. « Une forme qui pense » est le précipice dans lequel nous nous engageons à la suite de Jean-Paul Belmondo en tant que Ferdinand Griffon et d’Anna Karina en tant que Marianne Renoir. Le précipice qui engage cet amour fulgurant à vivre sur le mode de la fugue, vers la Méditerranée, en direction du sud, de l’Italie… Nous partons de Paris : lui est marié, et père. Elle l’a connu, ne l’avait pas revu depuis 5 ans, jusqu’à cette soirée où elle vient garder ses enfants, tandis que lui va, s’inflige le spectacle de la mondanité moderne pour accompagner sa femme. S’échapper de ce monde d’une insouciance obscène et sans poésie. Partir ensemble, vivre le rêve rimbaldien qui accompagne de ses mots leur chemin, aller embrasser l’aube d’été — et se précipiter vers le tombeau de Staël.

Début de ce qu’on qualifierait aujourd’hui de « road movie », loin de n’être que cela, tous deux se heurtent aux accidents du destin qui les attrape. Un tourbillon qui les emporte, celui du monde comme celui de leur envie de vivre. Accompagnés d’une ligne de basse faite de violence, qui dans un tournant éclate, s’épanouit au grand jour — la guerre, l’Algérie, le Vietnam, les massacres, les trafics d’armes, les menaces de toutes sortes — la grimace de l’Histoire se mêle aux cahotements du chemin qu’empruntent nos deux amants. Et Godard de regarder en face un autre type de violence : celle de l’obscénité de la société du spectacle, jouer avec le ridicule d’un « art » qui lui serait soumis. 

Libérer le cinéma de ce devenir.

Entre autres choses mêlées, davantage que d’un film-poème, il s’agit ici de parler de film-recueil : Montage d’images — Montage d’histoires — Voix entrelacées de nos deux protagonistes, qui se nouent et se dénouent, contant à deux leurs actions qui défilent à l’écran — Champ-contrechamp de regards — Montage de poèmes, de tableaux, de portraits filmés l’espace d’un instant comme hors-d’œuvre, parerga sur le seuil de l’œuvre ; de tous ces fragments amassés film-collage.

Un film-recueil dispersé, désintégré, ramassé enfin, non pas comme un roman linéaire, mais comme une romance mélancolique, jusqu’à son évaporation dans les fumées d’après-explosions parsemant les pérégrinations de nos deux amoureux, qui s’éloignent dans les paysages brûlés de Méditerranée, se fondre dans le chant des cigales et de la mer.

Mais le cinéma de Godard, s’il permet ces percées vers la parole muette d’un certain ciel, de l’air, de l’espace, est aussi empreint d’émotion face à l’humain. Ferdinand, c’est le Pierrot amoureux fou, le fou amoureux de Marianne, clown désabusé épris de beauté, Pierrot, peut-être fou tout court – l’affirmerions-nous s’il nous le demandait ? Ferdinand avant tout, voyageant jusqu’au bout de la nuit de son destin – l’essence du tragique dans son nom célinien. Film tragique, film touchant au sublime sans y prendre garde, plein d’artifices pour toucher à la vie — l’essence de l’art, une multitude de petits mensonges pour une plus grande vérité comme le disait Bonnard ; comme ces couleurs trop chaudes du technicolor, flamboyantes comme ce ciel de Méditerranée dont on peut presque ressentir le poids, et l’éclat de cette mer muette qui danse.

Quelques chansons se font entendre — en parlant du Tourbillon de la vie, celles qui parsèment le film sont écrites par Serge Revzani, qui y déploie sa poésie en toute simplicité. Mais loin de se laisser qualifier de comédie musicale, le film est davantage une exploration des possibles qu’offre le support filmique. Il ne se laisse réduire à aucun genre, plus qu’un film d’aventure, qu’un film romantique, qu’un film d’action, tout en montrant son ironique tendresse pour les fantasmes qui émanent de ces rêves de cinéma, une pointe de tristesse face à leur illusoire beauté. 

Sous mes paupières battent encore les paysages filmés par JLG, le regard gris Velasquez d’Anna Karina, le ciel et la mer, cartographie de l’éternité.

Maéva Peretti.


*Alphonse le fou

Une petite dame inconnue de 70 ans aura dit : « J’avais un a priori sur ce film, je pensais que Godard, c’était trop intellectuel. C’est idiot… Alors que Pierrot, c’est magnifique ! c’est magnifique… »


Le Ciné-club de l’Ecole du louvre vous invite à venir voir Pierrot le fou de Jean-Luc Godard le 11 octobre prochain à 18 h dans l’Amphithéâtre Dürer.

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