
Pour la Saint-Valentin, le Ciné-club et Mauvais genre(s) vous proposent de découvrir ou redécouvrir Go Fish de Rose Troche ! Alors pour les amoureux, les célibataires et tous les autres, rendez-vous le 13 février à 18h en amphi Dürer!
Avis aux personnes extérieures à l’École du Louvre ! Vous pouvez assister à la séance gratuitement à condition de nous envoyer un mail avec votre nom et prénom (ainsi que ceux des personnes vous accompagnant) au minimum 48h avant la séance à cineclubecoledulouvre@gmail.com. Cette inscription est obligatoire dans le cadre du plan vigipirate, pensez donc à vous munir d’un justificatif d’identité. Il ne s’agit pas d’une réservation pour notre séance.

Go Fish est sorti en juin 1994 lors du mois des fiertés. C’est un film à très petit budget (15 000 dollars), ce qui lui donne une esthétique réaliste, presque documentaire. Les acteurs.rices du film étaient des ami.es, des personnes repérées dans la ville ou des bénévoles. A l’origine Go Fish avait pour vocation d’être une pièce de théâtre, mais il a été immédiatement transformé en film. Rose Troche écrit le scénario avec Guinevere Turner (qui joue Max), cette dernière sera également la coscénariste du film American Psycho réalisé par Mary Harron en 2000. Go Fish est le premier long-métrage de Rose Troche, qui par la suite réalisera Des chambres et des couloirs (1998), et plusieurs épisodes de diverses séries comme The L Word ou encore Six Feet Under.
Le film se déroule à Chicago dans les années 90, Max (Guinevere Turner) est à la recherche de l’âme sœur, mais celle-ci désespère. Sa bande d’amies tente de la caser avec Ely (V.S Brodie), une hippie fan de thé, engagée dans une relation à distance qui ne semble aller nulle part. Tout semble les opposer, mais quelque chose commence à naître en chacune d’elles…

Go Fish raconte une histoire d’amour lesbienne, en reprennant les codes classiques du film romantique; deux personnes, que tout semble opposer, se rapprochent. Le film montre donc avant tout la possibilité de vivre son lesbianisme, de manière simple et libre. Cette représentation est importante, et malheureusement rare dans le panorama du cinéma. Et c’est vous dire … Nous étions bien en peine de trouver un film de ce genre pour la séance Saint-Valentin. Un film montrant une romance saine, sortant du regard masculin (et sans qu’aucun des deux personnages ne meure à la fin…). Mais ce manque de choix souligne d’autant plus l’importance de Go Fish dans l’histoire de la représentation cinématographique lesbienne.
Cependant Go Fish n’évince pas la réalité des identités lesbiennes ! Et c’est là le tour de force du scénario. La romance du film est entrecoupée de quelques scènes situées hors du récit principal, parfois même totalement fantastiques. Cela donne lieu à des moment de questionnements sur l’identité lesbienne : comment trouver sa place dans une société profondément hétéronormée, comment faire face aux discriminations… L’idée de représentation est au coeur de l’éthique du film, Rose Troche nous plonge dans un groupe d’amies, nous donne à voir des images qui ne sont pas idéalisées, à entendre des discours différents. Ces corps sont filmés différemment, les femmes ne sont pas rendues désirables pour les hommes. Justement elles existent sans eux. C’est «un film par des femmes, pour des femmes et sur les femmes.» (Rose Troche).

Cette histoire d’amour est puissamment politique; à la fois dans son histoire et dans l’image qu’elle véhicule. La réalisatrice a beaucoup parlé de l’invisibilisation des lesbiennes, et particulièrement des femmes de la communauté queer. C’est ce qu’elle cherche à mettre en lumière : elle offre une histoire romantique intime, dans un but éminemment politique, car l’intime est politique. La plupart de l’équipe du film est également engagée personnellement dans les luttes queer. La réalisatrice a d’ailleurs rencontré les deux actrices principales lors d’une réunion militante. Avant même de collaborer pour ce film, Rose Troche et Guinevere Turner avaient déjà travaillé ensemble sur des projets pour Act Up Chicago. Le film fait une percée rare dans l’industrie du cinéma. Il obtient le soutien de Christine Vachon (qui a notamment produit Poison et Carol de Todd Haynes ainsi que Boy’s don’t cry de Kimberly Peirce), une aujourd’hui célèbre productrice de films indépendants (récompensée pour son soutien à plusieurs film LGBT+ l’année de la sortie de Go Fish, 1994). C’est aussi un des premiers films de ce genre a être vendu à un distributeur (Samuel Goldwyn), ce qui permet à Go Fish d’avoir un retentissement en dehors des festivals, de trouver un autre public et de porter fièrement cette représentation dans d’autres milieux.

Go Fish fait parti du New Queer Cinema, théorisé par la critique de cinéma Ruby Rich dans la revue Sight and Sound. Ce terme est utilisé en 1992 pour définir un mouvement de cinéma indépendant du début des années 90. Les réalisateurs.rices sont des personnes de la communauté queer cherchant à faire des films pour cette même communauté. Iels utilisent une esthétique radicale pour combattre les discriminations et faire face au traumatisme de l’épidémie du VIH/SIDA. Ces films abordent souvent les subjectivités complexes de ces identités. Le New Queer Cinema rompt également avec l’éthique de la libération gay selon laquelle l’autoreprésentation devait rester positive et désirable. On crée des nouveaux films, des nouvelles représentations. Plusieurs festivals de films indépendants se mettent à passer ces productions, comme le Sundance Film Festival. Les années 90 sont un moment clé dans la construction d’images au cinéma par et pour la communauté Queer.
Que ce soit pour son importance dans l’histoire du cinéma ou dans l’histoire des représentations lesbiennes, Go Fish reste un incontournable.
Eva Caruana
Pour en savoir plus sur ces sujets :
– un article de Ruby Rich dans Sight and Sound.
Pour la Saint-Valentin, le Ciné-club et Mauvais genre(s) vous propose de découvrir ou redécouvrir Go Fish de Rose Troche ! Alors pour les amoureux, les célibataires et tous les autres, rendez-vous le 13 février à 18h en amphi Dürer!
Avis aux personnes extérieures à l’École du Louvre ! Vous pouvez assister à la séance gratuitement à condition de nous envoyer un mail avec votre nom et prénom (ainsi que ceux des personnes vous accompagnant) au minimum 48h avant la séance à cineclubecoledulouvre@gmail.com. Cette inscription est obligatoire dans le cadre du plan vigipirate, pensez donc à vous munir d’un justificatif d’identité. Il ne s’agit pas d’une réservation pour notre séance.