
Le 24 janvier dernier, Florilèges a été invité par la Fondation Louis Vuitton (FLV) à la visite presse (ou plutôt, la présentation presse) de sa prochaine exposition : « Basquiat x Warhol : à quatre mains ». Celle-ci ouvrira ses portes le 5 avril 2023. La Fondation attend du monde : le communiqué de presse ne manque pas de rappeler aux curieux le nombre d’entrées (700 000 visiteurs) de sa précédente exposition monographique sur Jean-Michel Basquiat qu’elle avait organisée en 2018, « qui remporta un succès considérable ». Cinq ans après, voici la suite, dont le retentissement, nous assure-t-on, sera comparable ou supérieur à la première.
L’exposition est pleine de promesses. Chacun leur tour, Bernard Arnault (président de la FLV), Suzanne Pagé (directrice artistique de la FLV et commissaire générale de l’exposition), Dieter Buchhart (commissaire invité), Sylvia Sokalski (manager de la collection de Bruno Bischofberger, présente au nom de ce dernier qui a agi comme conseiller spécial pour l’exposition) et Olivier Michelon (commissaire associé) ont pris la parole pour nous présenter avec enthousiasme ce projet qui leur tient à cœur. Malgré sa courte activité, le travail de Basquiat est d’une telle ampleur qu’elle justifie une nouvelle exposition à son sujet. Celle-ci se concentrera sur ses années de collaboration avec Andy Warhol, certes courtes (1984-1985) mais intenses : la FLV a réussi à réunir plus de quatre-vingt œuvres réalisées à quatre mains, dont OP OP (ci-dessous) et les Ten Punching Bags (Last Supper), prêtés par la Fondation Andy Warhol.


Une collaboration riche et abondante, mais insuffisante pour remplir les onze galeries à elle seule. En effet, si ces « [d]eux icônes » sont en tête d’affiche, ils ne sont pas les seuls noms au programme. L’exposition nous promet un aperçu du « cercle élargi d’artistes » amis et collaborateurs de Basquiat et Warhol. Nous y verrons, entre autres, quelques œuvres de Francesco Clemente, présent dans les débuts de la collaboration, les photographies que Michael Halsband a prises des deux artistes en tenue de boxe, et des travaux d’autres personnalités artistiques et ami-es de Warhol et Basquiat, tels que, pour n’en citer que quelques-uns, Jenny Holzer, Kenny Scharf et Keith Haring. La présence de ces autres artistes servira aussi bien à apporter des témoignages extérieurs sur la collaboration Basquiat/Warhol qu’à la recontextualiser et donner au public un aperçu du New York des années 1980, véritable centre culturel « où se croisent peinture, dessin, musique, graffiti, cinéma, sculpture, performance… »[1]. Cet élargissement est volontaire, comme l’explique Suzanne Pagé dans la préface du catalogue à paraître : en effet, la FLV a pour volonté de « présenter une nouvelle et ambitieuse étape dans la recherche autour et entre les deux artistes en élargissant le propos à d’autres figures des années 1980[2]. »

Comme l’équipe derrière l’exposition, nous insistons ici sur l’intérêt scientifique que promet cette exposition (et qui nous intéresse tout particulièrement, en tant qu’historien de l’art). Plaire au grand public est le premier but des commissaires. Nous pouvons presque être sûr-es que cette promesse sera tenue, au vu du nombre d’œuvres annoncées (plus de trois cents œuvres et documents), dont le rassemblement est possible grâce à la générosité de nombreux prêteurs – dont, entre autres, Andy Warhol Museum, le Estate of Jean-Michel Basquiat, la collection de Bruno Bischofberger, les contributions des artistes, encore vivants, Francesco Clemente, Michael Halsband et Kenny Scharf. Les expositions organisées par la FLV ont jusqu’à présent toutes tenu la promesse ambitieuse d’un important rassemblement inédit d’œuvres : à défaut d’avoir vu l’exposition Jean-Michel Basquiat en 2018, nous nous souvenons des ambitieuses expositions Être moderne : le MoMA à Paris (2017-2018) et Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine (2016-2017), pour lesquelles ont respectivement été réunies deux cents œuvres du Museum of Modern Art de New York et cent trente œuvres du Musée Pouchkine de Moscou et du Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Ainsi nous ne doutons pas du plaisir que le grand public prendra à ce rassemblement des œuvres des deux icônes que sont Basquiat et Warhol et de leurs compagnons.

En revanche, nous resterons sceptiques, par prudence, sur l’ambition scientifique exprimée par les commissaires. Le catalogue à paraître, a expliqué Bernard Arnault, se veut être un ouvrage de référence pour les chercheur-ses porté-es sur le sujet. Pour prouver l’attention scientifique portée sur l’exposition, Dieter Buchhart (que Bernard Arnault ne considère pas moins comme étant « le meilleur spécialiste au monde de Basquiat ») nous a livré un véritable cours magistral sur la collaboration Basquiat/Warhol – que le public retrouvera, nous l’espérons, dans les cartels et la médiation de l’exposition ou, pour sûr, dans le catalogue de l’exposition. Outre les contributions de spécialistes de la carrure de Dieter Buchhart, des textes de témoins sont promis – notamment celui de Keith Haring, « Le troisième esprit », ou encore celui du galeriste Bruno Bischofberger, déjà mentionné plus tôt, qui a connu personnellement les deux artistes. La promesse d’une production scientifique est belle – mais pas encore concrétisée. En effet, au moment de la présentation presse à laquelle nous avons assisté, l’exposition n’était pas encore montée (et les locaux encore occupés par l’exposition « Monet-Mitchell » jusqu’au 27 février prochain) et le catalogue pas encore imprimé. Si la liste des œuvres qui seront montrées est confirmée (même si personne n’est à l’abri d’un imprévu – le souvenir de la pandémie est encore frais, qui a par exemple rendu impossible le déplacement de certaines œuvres pour des expositions importantes telles que Le Corps et l’âme. De Donatello à Michel-Ange. Sculptures italiennes de la Renaissance au Louvre en 2021), le contenu du catalogue peut encore être modifié avant son impression définitive. Bref : à voir si toutes ces belles promesses et intentions seront maintenues et réalisées à l’ouverture.
Nous ne pouvons en dire plus pour le moment, malheureusement. L’exposition est attendue avec hâte, la sortie du catalogue est guettée. Pour aider les plus impatient-es à attendre, nous terminerons donc cet article avec une courte bibliographie suggestive portant sur Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol et quelques expositions passées de la Fondation Louis Vuitton, qui peuvent nous donner une idée de ce à quoi s’attendre le 5 avril prochain.

New York © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2023. Courtesy of Bischofberger Collection, Männedorf-Zurich.
B. Abel Delattre
Bibliographie sélective :
- Jean-Michel Basquiat, dir. Dieter Buchhart, (cat. exp., Paris, Fondation Louis Vuitton, 3 octobre 2018-14 janvier 2019), Paris, Gallimard et FLV, 2018.
- Buchhart, Dieter (dir.), et al., Basquiat by himself, Hirmer, 2019.
- Hermann, Michael Dayton (dir.), Warhol on Basquiat : the iconic relationship told in Andy Warhol’s words and pictures, Taschen, 2019.
- Schiele, Basquiat, dir. Daphné Bétard, (cat. exp., Paris, Fondation Louis Vuitton, 3 octobre 2018-14 janvier 2019), Issy-les-Molineaux, Beaux-Arts & Cie, 2018.
- Être moderne : le MoMA à Paris, (dir.) Quentin Bajac, (cat. exp., Paris, Fondation Louis Vuitton, 11 octobre 2017-5 mars 2018), Thames & Hudson, Fondation Louis Vuitton, The Museum of Modern Art, 2017.
- Cohen-Solal, Annie, Goldberger, Paul, Gottlieb, Robert, New York, 1945-1965 : art, architecture, design, danse, théâtre, musique, Malakoff, Hazan, 2014.
[1] Suzanne Pagé, « Préface » du catalogue de l’exposition Basquiat x Warhol : à quatre mains (2023) à paraître prochainement.
[2] Id.
[3] Jean-Michel Basquiat, (dir.) Dieter Buchhart, (cat. exp., Paris, Fondation Louis Vuitton), Gallimard et FLV, 2018
Nous remercions Mme Alix Roché du service presse (Joonam Partners) pour l’invitation et les images utilisées pour cet article.