
Eugène Carrière naît en 1849 et décède en 1906. Très tôt il suit des cours de dessin le soir, pas en vue d’être peintre mais dans le but très pragmatique de devenir apprenti lithographe et de subvenir à ses besoins. Il arrive à Paris en 1869 et visite les musées, c’est là une première expérience mythifiante : la rencontre avec Rubens au Louvre. Il dit lui devoir sa vocation de peintre. Il entre dans l’atelier de Cabanel, qui n’a pas été un maître marquant puisqu’il se caractérise par son absence dans l’atelier et son influence inexistante dans la pratique de ses apprentis.
Eugène Carrière va tenter le prix de Rome en 1876, il est classé premier à l’esquisse mais échoue dans les loges. Son envoi rompt radicalement avec l’esthétique de son maître, Cabanel, puisqu’il ne s’agit ni d’un portrait mondain ni d’un sujet histoire. Carrière présente le portrait de sa mère caractérisé par son atmosphère austère. Il évolue à une époque clef pour l’histoire de l’art : au croisement entre naturalisme, symbolisme et impressionnisme. Pour se plonger dans l’œuvre d’Eugène Carrière nous allons nous intéresser au tableau intitulé Voir et comprendre. D’une hauteur de 41cm et d’une largeur de 33cm il est réalisé aux alentours de l’année 1900. Acquis en 1960 par le Musée des Beaux-Arts de Pau sa présence trouve sa pertinence dans l’intérêt d’Eugène Carrière pour la ville de Pau, en effet il y séjourna trois hivers, pour des raisons de santé.
Mais comment décrire la touche de Carrière ? Comment s’inscrit-il dans l’actualité artistique de son époque ? Quels partis pris assume-t-il ? Et lui qui peint majoritairement des femmes, quelle image de celle-ci veut-il traduire dans ses tableaux ? Afin de mieux comprendre sa démarche nous allons dans une première partie décrire le tableau Voir et comprendre et s’intéresser à cette touche particulière. Dans un second temps, nous nous arrêterons sur les liens qu’il établit entre l’art et la vie, et comment il illustre cette interdépendance. Enfin, nous nous intéresserons à la figure féminine dans l’œuvre de carrière et dans celles de peintres symbolistes qui lui sont contemporains.

Voir et comprendre
« On n’y voit rien »
Voir et comprendre ça commence par ne pas voir grand-chose. Le tableau tend vers la monochromie brune, Carrière joue des nuances de terre pour créer un modelé. Sortis de l’ombre, deux personnages : une femme et un enfant. Nous voyons d’ailleurs mieux le dernier que sa mère. D’elle on ne remarque que le profil qui ressort de la pénombre et les mains qui tiennent l’enfant, qui, lui, lève les yeux au ciel en rapprochant ses mains de son corps. Il semble apeuré, anxieux, en attente. Elle tente de le rassurer dans le creux de ses bras. La vision de la femme est réaliste dans le sens où Carrière ne plonge pas la figure maternelle dans une idéalisation méliorative, ses traits sont fatigués et creusés. Ses cheveux se confondent presque avec le fond, ce qui donne l’impression qu’elle est aspirée par l’obscurité, ce qui rajoute à l’atmosphère angoissante du tableau.
Carrière réduit les éléments illustrés afin de créer des images non contextualisées. Ses compositions épurées et frontales mettent face à face sa vie de famille et le regardeur. Sur sa simplification progressive, mais drastique, de son langage picturale il écrit :
« Simplifier, ce n’est pas supprimer. Ce n’est pas non plus vider. C’est donner aux choses leur importance relative, suivant leurs fonctions, leurs volumes. De même, simplifier la vie, c’est mettre les choses à leur place, ce n’est pas y être insensible »

Il livre un tableau austère, avec un dépouillement extrême des costumes qui fait écho à la nudité complète du décor. L’ampleur des formes et le modelé simplifié donne du mouvement et de la vie à ses figures qui, pourtant, ne sont pas rehaussées de couleurs charnelles. Cette fougue du pinceau nous pouvons la retrouver chez Turner ou Whistler, qu’il découvre à Londres en 1878. Dans Waves breaking against the wind (v.1840) on remarque cette touche très caractéristique de Turner, tout est flou, les gestes sont amples et les nuances délicates. Ce sont ces éléments qui engagent la narration plus que la figuration d’une action en cours. L’aspect floutée de la composition n’empêche pas le regardeur de comprendre la scène marine. Nous retrouvons cette touche vaporeuse chez Eugène Carrière, comme on peut le voir dans Méditation. Le visage de la femme est presque effacé, son individualité semble n’avoir aucune importance pour l’artiste.

Entre couleur et lumière

Sur Voir et comprendre ce sont les contraste entre les zones de lumière et d’ombres qui créent les modelés. Les deux personnages ressortent grâce à ce procédé, sinon iels seraient perdu.es dans la quasi monochromie du tableau. Eugène Carrière fait le choix de diminuer, voire supprimer la couleur pour travailler la lumière. Si cette décision peut paraître paradoxale, nous pouvons nous rappeler les toiles de peintres comme Caravage. Dans David avec la tête de Goliath, réalisé entre 1609 et 1610, nous ne percevons que peu de couleurs finalement, par contre la lumière est directe et éclatante. Le torse et le profil droit de David ressorte de façon radicale devant le fond complètement bouché. Caravage maîtrise le clair / obscur et signe des oppositions bien plus tranché que Carrière, soulignons que Caravage conserve tout de même l’utilisation de différentes couleurs.
« Le contraste semblait étrange, dans les salles du Grand-Palais, entre la ruée tumultueuse de lumière et de couleurs ruisselant en tâches violentes par qui la jeune peinture affirmait ses tendances, et les formes silencieuses où l’âme voilée de Carrière apparaissait » Elie Faure
Le choix de Carrière paraît si étonnant à son époque que le docteur Fortin lance l’idée que l’artiste devait être daltonien, ce qui est complètement infondé. Carrière ne peut pas ignorer les recherches sur la couleur qui lui sont contemporaines, mais il refuse d’y participer, mettant en avant le primat de la lumière sur la couleur. Certain.es y voient une influence des sculpteurs, comme Rodin avec qui il était proche.
Eugène Carrière applique une touche ample et mouvementée, il cherche par là à créer une unité dans le tableau, un lien fort entre les personnages eux-même mais aussi avec le fond. La monochromie de ses créations va l’aider à créer cette unicité. Certain.es considèrent cette recherche comme une application de la théorie baudelairienne de quête d’unité stylistique. Enfin, l’aspect flouté des œuvres de Carrière, ajouté au réalisme distant de ses visages, rendent une atmosphère étrange à ses tableaux. C’est une caractéristique recherchée par de nombreux.ses peintre.sses symbolistes. La beauté n’est plus dans l’idéalisation des figures, mais elle devient immatérielle, vaporeuse. La primauté est donné au regard subjectif, celui de l’artiste mais aussi celui du regardeur.
L’art et la vie
Au plus près de la vie

« Son art est mêlé à sa vie jusqu’à ne pas s’en distinguer ; il est le langage de ses douleurs et de ses joies. Sa pensée de tous les instants, sa morale et sa religion, l’action intime, l’expérience positive qui lui a révélé tout ce qu’il sait »
C’est comme cela que Gabriel Séailles décrit la pratique de Carrière dans son ouvrage Eugène Carrière : essai de biographie psychologique. Après une approche du parcours du peintre nous pouvons arriver à la même conclusion : sa vie et sa trajectoire artistique sont profondément liées. Pour une grande part, l’œuvre de Carrière représente ses proches. Son premier envoi au Salon, en 1879, est aussi son premier succès : le portrait de sa femme et de son premier enfant (Maternité, Avignon, musée Calvet). Rarement la vie privée d’un artiste n’aura à ce point alimenté son travail. Eugène Carrière prenait sa famille en modèles quasi exclusifs, d’ailleurs son premier envoi au Salon fut une maternité représentant sa femme et son premier enfant en 1879. Cette décision lui permet une approche directe du portrait où, en connaissant les modèles, il ne se sentait pas dans l’obligation d’en rendre une image idéalisée. Nous le constatons dans La Famille du peintre réalisé en 1893. Cette toile, toujours dans les tons bruns, représente sa femme et ses cinq enfants. Sa femme a le visage creusée, ses doigts longs et fins tiennent deux de ses filles. Leurs visages pâles paraissent presque maladifs, leur regard est fixé vers l’artiste. Le décor en arrière-plan est quasiment noyé dans le flou brun. Quelques éléments réussissent à ressortir, mais leur nombre restreint semble traduire une vie modeste. Six personnages c’est un nombre assez important pour une scène familiale qui sont généralement très restreinte. Malgré tout, la peinture semble traduire une absence latente, le vide créé par les différentes têtes au centre nous indique qu’il manque une personne, probablement le père de famille, c’est-à-dire Eugène Carrière lui-même.
« Il ne faut pas séparer l’art de la vie, puisque c’est la vie qu’il faut chercher à traduire » Eugène Carrière
Si le peintre s’attache à représenter la vie, ou plutôt la sienne, c’est qu’il met en avant la subjectivité du peintre. Démarche que nous retrouvons chez les peintres symbolistes, ce qui, en plus de sa touche tourmentée, a participé à le rapprocher de ce mouvement.
Une vie de morale
Si les formes sont symbolistes, le sujet n’en reste pas moins plutôt naturaliste. Eugène Carrière est tiraillé entre les deux mouvements, ou plutôt les critiques le placent un coup chez les uns, un coup chez les autres. L’artiste lui-même reste un véritable outsider des écoles artistiques. Il mène ses recherches de son côté, continue à étudier la peinture du passé, à se renseigner sur les créations qui lui sont actuelles, mais ne semble pas vouloir se ranger.


Eugène Carrière portraiture régulièrement ceux qu’il considère comme de grands personnages. Nous retrouvons parmi eux des critiques d’art et des hommes politiques. Pour la première catégorie, nous reconnaissons Gustave Geffroy, qui a notamment dédier un essai sur Eugène Carrière lui-même. Son portrait est tout à fait intéressant par le regard fixe et rond avec lequel il nous fixe. Ses mains se répondent dans une clarté très nette, l’une tient une cigarette et l’autre un verre, probablement d’alcool. Il est à noter que ces deux éléments de contextualisation sont sombres et presque effacés. Ce qui semble dominer le tableau, c’est bien ce regard perçant. L’autre portrait de critique d’art est celui de Roger Marx. Son visage et ses épaules sont entourées de touches rapides et presque grossières. Ses yeux ne traduisent pas du tout le même sentiment que ceux de Geoffroy. Ils paraissent perdus dans le vide, et fatigués. Ses traits sont marqués, une fois encore nous reconnaissons l’authenticité de Carrière qui ne verse pas dans l’idéalisation.

Eugène Carrière est isolé dans sa pratique, dans le sens où peu voire pas de peintres font des choix aussi radicaux que les siens à son époque. On peut souligner que, même s’il tente le prix de Rome, il dénonce son caractère dépassé. En effet, il est opposé à l’idée qu’un voyage à Rome soit bénéfique pour un artiste français. Sa position ne fait pas consensus, mais ça, il en prend l’habitude. Carrière, outre le fait d’être un peintre outsider, est aussi un peintre engagé à sa façon. Il signe un portrait d’Elisée Reclus, ce géographe est notamment connu pour être un militant anarchiste. Communard, membre de la Première Internationale, il participe à la théorisation libertaire. Il va aussi travailler conjointement avec Pierre Kropotkine et Pierre Grave pour l’édition du journal Le Révolté. L’homme occupe presque tout l’espace pictural, il est représenté assez âgé déjà, avec un faciès plutôt sympathique ce qui contraste avec le portrait qu’en faisaient ses détracteurs. La pose non académique rajoute à l’authenticité et à la vivacité de ce portrait. Beaucoup plus solennel, le portrait de Georges Picquart le place au centre d’un tourbillon de touches floues. Picquart est lieutenant-colonel au renseignement lorsque l’affaire Dreyfus éclate. Convaincu de son innocence il enquête et trouve des éléments contre le commandant Esterhazy. Il en informe sa hiérarchie afin de libérer Dreyfus, mais elle fait un autre choix, celui de muter Picquart en Tunisie. Il retourne à la charge pour Dreyfus et se retrouve emprisonné pendant un an. Les dreyfusards en font un héros. Beaucoup d’artistes lui rendent hommage par des créations, comme pour le recueil de 12 lithographique publié sous le titre de Hommage des artistes à Georges Picquart.

L’hommage de Carrière est symbolique, quasi allégorique. L’aspect vague commence dès le bas du tableau, ne rattachant pas le personnage au sol. Il paraît flottant, ou caché. Son visage est très clair alors que tout autour paraît sombre avant de d’éclaircir vers le bas de la composition. Impossible de contextualiser le tableau, comme toujours chez Carrière. Aucun attribut, objet ou accessoire ne semble pouvoir interférer avec la lecture claire du tableau. Son langage simplifié met Picquart au rang de symbole, symbole d’engagement, de persévérance et de courage.
La femme au centre des préoccupations
Le peintre des maternités

Même si Carrière signe de nombreux portraits d’hommes importants de son époque, il reste connu pour ses Maternités. Ce sera d’ailleurs son surnom : « le peintre des maternités ». De façon générale, puisque c’est sa famille qu’il peint, nous pouvons comprendre le sur-représentation de la figure maternelle accompagnée d’enfants. Dans Intimité nous sommes face à une scène d’amour filial où les deux enfants s’embrassent, l’action du bébé provoquant le sourire presque béat de sa sœur, tout cela, sous le regard bienveillant de la mère. Cette dernière tient le bébé dans ses bras et se rapproche à tel point que les trois têtes se touchent presque. Carrière mêle régulièrement les visages, comme dans Voir et comprendre ou Maternité. La lumière est concentrée sur les visages, une autre récurrence. La position de la grande sœur peut soulever des questions d’interprétation : son bras dans le vide, sa joue tendue dans l’attente d’un signe d’affection, attente qui, paradoxalement, n’entraîne aucun autre engagement du corps. Elle ne tente pas de l’enlacer, ou de toucher le bébé ou leur mère. Certain.es y voient une position résignée, tenue à distance, d’autres le signe d’une action spontanée que Carrière n’aurait pas fait poser. Les commentateur.trices n’ont pas trouvé de consensus là dessus. Ce qu’on retient c’est la volonté de Carrière de portraiturer sa famille, en les peignant dans des scènes intimistes. L’idée d’union est aussi là, dans la proximité des âmes et la tentative de représentation d’idées abstraites comme l’amour familial.

Dans Maternité la mère tient contre elle son enfant, le fond est très mouvementé, elle semble nostalgique, presque absente. Il est vrai que l’utilisation d’une palette uniquement brune n’aide pas Carrière à créer des ambiances chaleureuses et optimistes. Dans l’autre Maternité nous retrouvons des tons un peu plus chauds, avec une mère tenant un nourrisson. Le visage de la mère semble moins creusé que sur d’autres représentations, elle joue avec le bébé, là aussi en le tenant proche d’elle. Si le corps de l’enfant est assez bien détaillé nous pouvons noter toutefois que le corps de la mère disparaît presque totalement dans le fond, où, cependant, nous remarquons un élément de vaisselle. Un dernier exemple de scènes familial est Le Baiser de la mère, où nous sommes face à une peinture plutôt sombre où se mêle trois corps devant un fond complètement obstrué. Les corps des femmes semblent presque tirés d’un rêve, avec leurs formes ondulées. La composition peut sembler non structurée, on a du mal à identifier la mère même s’il peut paraître logique que ce soit celle de gauche. Ce serait alors une gradation de reconnaissance pour atteindre la figure maternelle.
Pour le « peintre des maternités » il est régulier d’illustrer des scènes familiales à deux ou trois personnages avec toujours comme figure centrale la mère. Elle est mise en valeur comme élément fondateur du noyau familial.
La figure féminine dans la peinture symboliste
Eugène Carrière s’est illustré dans la création d’une nouvelle iconographie de la femme en peinture. Nous le comprenons mieux en connaissant ses positions politiques progressistes, mais, il n’a pas réalisé une longue suite d’études ou de toile de nus comme la plupart de ses collègues. Nous en noterons deux, Figure vue de dos se peignant et Femme de dos se déshabillant. Ce qu’on peut remarquer tout de suite c’est que ces deux femmes sont de dos, c’est un élément plutôt rare pour des nus ou semi-nus puisque la poitrine est un élément convoité. La toile de gauche semble plus érotique que celle de droite, mais sa distance avec le regardeur le place directement dans une position voyeuriste. De plus, le titre indique qu’elle est en train de se peigner, donc elle effectue une tâche quotidienne non érotique. Dans le sens où elle ne tient pas de pose lascive et passive. La femme est active, elle s’occupe d’elle-même, et ne s’offre pas au regard extérieur. La touche vague de Carrière ajoute à la frontière avec elle et nous. Dans le tableau de droite nous retrouvons une scène similaire, c’est-à-dire la femme est toujours de dos, et elle se déshabille. Activité quotidienne qui aurait plus tendance à devenir érotique. Malgré tout Carrière la représente encore majoritairement vêtue et ne choisit pas une étape où elle pourrait être plus à nue. Nous voyons le haut de son dos et son épaule droite, ce qui peut être, effectivement, des caractéristiques érotiques. Son fond bouché décontextualise l’action, on ne sait pas si elle est seule ou accompagnée, si elle va dormir ou se préparer. Eugène Carrière ne souhaite pas illustrer une narration.
Si certain.es historien.nes de l’art considèrent Carrière comme un peintre symboliste c’est à prendre avec un certain recul, déjà parce qu’il n’a jamais énoncé son appartenance à une école, et parce qu’il ne remplit pas toutes les caractéristiques de la peinture symboliste, aussi diversifiée soit-elle. Le sujet des maternités est très peu courant chez ces derniers qui préfèrent représenter des femmes allégoriques, sexualisée. Pour prendre des exemples nous voyons deux toiles représentant Judith et Holopherne, peint respectivement par Franz von Stuck et Gustave Klimt. Judith est censée être une femme forte, pieuse, qui pour sauver sa ville de Béthulie va jusqu’à décapiter un général barbare. Le texte ne dit pas si après l’avoir saoulé au vin il y a eu quelques rapports physiques que ce soit. Mais les deux artistes font le choix de la représenter nue ou semi-nue. Son triomphe semble être plus sa beauté que son courage et son abnégation. c’est une vision tout à fait fantasmé de ce mythe. Franz von Stuck et Gustave Klimt représente la femme d’abord comme une idée, une idée de beauté érotique alors que Carrière préfère une beauté quotidienne.
Malgré tout, ce qui domine chez Carrière c’est l’idée, le symbole. Il cherche à imager des sentiments, des émotions. Sa touche mouvementée sert à sortir la scène de sa quotidienneté pour l’inscrire dans le symbole, voire l’allégorie. L’artiste Gibran Khalil Gibran dit à propos de l’artiste :
« Je sais maintenant que l’œuvre de Carrière est la plus proche de mon cœur. Ses figures assises ou debout derrière la brume me parlent plus que toute autre œuvre excepté celle de Léonard de Vinci. Carrière peintre comprenait les visages et les mains plus que quiconque. Et la vie de Carrière n’est pas moins belle que son œuvre. Il a tellement souffert, mais il a connu le mystère de la douleur : il a su que les larmes rendent toute chose étincelante »
Il est intéressant de voir que ce poète et artiste met en comparaison Carrière et De Vinci, car le second a marqué l’histoire de l’art et reste une figure centrale dans l’imaginaire commun. Carrière, lui, est tombé dans l’oubli. Le thème des maternités n’est plus d’actualité, il est complètement passé de mode, ce qui a relégué Eugène Carrière au second plan.
L’art actuel délaisse les scènes familiales et les maternités. Comment représente-t-on aujourd’hui ce moment de la vie ? La pop star Beyoncé nous en donne un exemple très connu. Alors que les rumeurs sur un possible divorce avec Jay-Z courait, Queen B publie la première photographie d’elle enceinte de ses jumeaux. L’image est très structurée, très travaillée. On ne peut ignorer l’influence de l’histoire de l’art sur la création de cette photo. Les fleurs, le voile, tout converge vers une référence à la figure de la vierge dans la peinture baroque. La photographie suivante est la première publiée avec ses bébés. Elle reprend les codes visuels utilisés dans la première en augmentant la puissance de la figure maternelle et la majesté de Beyoncé. Elle a publié les deux sur son instagram personnel et ont été relayé dans la foulée par une multitude de médias. Ce ne sera pas la dernière fois que l’artiste fait référence à l’histoire de l’art vue que son clip « Apeshit » créé avec son mari Jay-Z est tourné au musée du Louvre. Cette vidéo présente le couple dans l’institution vide et met en scène les tableaux qui les entourent. Le clip, qui a suscité beaucoup de débats, a été largement commenté par les historien.nes de l’art (comme ici). Elle alimente une nouvelle iconographie mêlant références à l’art moderne et à la pop culture. Ce qui demeure c’est la fréquentation en hausse du musée par les jeunes qui essaient de marcher dans les pas de la star.
Découverte, je connaissais très mal! Merci
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Turner, Caravage , ma tasse… dorénavant Carrière aussi … merci …!!!
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Je cherchais des informations sur Carrière car Blaise Cendrars le cite dans « Les Pâques à New York » (« Mon âme est une veuve en noir, – c’est votre Mère / Sans larme et sans espoir, comme l’a peinte Carrière »)
Merci de ce travail très complet et très éclairant! Quel beauté, je ne connaissais pas du tout cet artiste!
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