Women and queers in skinhead scene

DT-p4oeXcAAQpG_.jpg largeWomen and queers in skinhead scene est une exposition itinérante mais aussi un projet de deux étudiantes. Ce projet prend forme l’été dernier où Léna Widehem (M2 littérature et culture européennes) et moi-même, Marion Cazaux (M2 cultures arts et sociétés), discutions de nos sujets de recherche respectifs et de l’envie de monter un projet ensemble en alliant nos passions. Léna a rédigé pour son master 1 un mémoire de recherche sur le mouvement skinhead et j’écris depuis l’année dernière un mémoire sur les autoportraits travestis, alors que faire avec des skinheads et une pratique queer ? Une exposition bien évidemment !

=> Attention, la dernière image de l’article peut choquer les jeunes lecteurs…

Alors nous nous sommes mises à la tâche, en recherchant des artistes skinheads femmes et/ou queers. Le but n’est pas seulement de visibiliser des artistes, mais aussi des identités minorisées dans le milieu skinhead qui reste malgré tout très masculin. Avant tout, et au vu des questions qui nous ont été posées pendant cette première semaine d’exposition, nous nous devons de revenir sur ce que sont les skinheads.

df1132dddc1c926a1f93e443d8385d28--skinhead-style-skinhead-girlSkinhead : origine d’un mouvement

Le mouvement skinhead naît à Londres dans les années 1960 : le look commence à être adopté par des bandes de jeunes en 1964, mais le terme « skinhead » n’est employé pour la première fois qu’en 1969. Cette contre-culture découle de trois influences : les jeunes ouvriers blancs de la working class londonienne, les jeunes noirs issus de l’immigration Jamaïcaine et les ultras des stades. Ils refusent, grâce à ce mouvement, d’être assimilés aux hippies ou aux bourgeois et prônent la fierté de la classe ouvrière. Chacun apporte son influence : les londoniens partagent ce qui deviendra l’uniforme skinhead (polo, bretelles, jean retroussé, chaussures montantes de sécurité, manteau d’ouvrier), les Jamaïcains transmettent leur amour du Ska, du reggae et de la danse et les ultras donnent un lieu de défoulement aux skinheads le week-end ; ils seront toujours fervents supporters de leur équipe. Tous se retrouvent dans les pubs le samedi soir pour danser, boire des bières et voir ses amis. En ce qui concerne les femmes et les queers, les femmes étaient présentes dans la culture skinhead dès les origines, bien que beaucoup moins nombreuses que leurs homologues masculins. Quant aux queers, leur existence dans le milieu skinhead paraît peu probable dès les origines, tout du moins, aucune trace qui le confirmerait n’existe. Il semblerait plus logique qu’une communauté queer soit apparue chez les skinheads dans les années 1990, avec l’apparition de la branche des Redskinheads, des skinheads d’extrême-gauche plus politisés. Aujourd’hui, pour résumer assez rapidement, quatre courants existent chez les skinheads : les boneheads (extrême-droite radicale), les Trojan skinheads (skinheads traditionnels, apolitiques), les SHARP (Skinheads Against Racial Prejudice, des skinheads antifascistes) et les Redskinheads (skinheads majoritairement communistes ou anarchistes). Les femmes sont présentes dans tous les courants, avec un ratio d’environ 1 femme skinhead pour 10 hommes skinheads. Les queers, quant à elleux, sont principalement présent.e.s dans la branche de l’extrême-gauche politisée de la culture skinhead, les Redskinheads.

Cinq artistes, cinq approches, cinq pays

Lorsque nous avons cherché des artistes femmes, queers et skinheads, nous nous sommes bien vite tournées vers Instagram. En effet, beaucoup d’artistes passent par ce réseau social pour publier leurs travaux artistiques. En les contactant, nous nous sommes rendues compte qu’il existait une attente, un besoin d’exposer.

davidDavid est un artiste américain qui a, durant sa jeunesse, photographié ses amis et amants du milieu homocore / queercore. Ces jeunes hommes punks et skins se rejoignaient en concert ou en soirée pour être loin de l’homophobie ambiante. Les photographies qu’il montre sont chargées d’émotion, d’authenticité et de force. Si on peut rapprocher facilement le travail de David de celui de Nan Goldin, on peut aussi en souligner la même beauté. Le noir et blanc produit des contrastes forts qui laissent apparaître les traits fins de certains hommes, ou l’attention amoureuse d’autres. David réussit, malgré son jeune âge, à produire de véritables images d’archives du mouvement homocore et de l’homosexualité masculine des années 1990. [+]

celiaCelia est une apprentie tatoueuse espagnole qui exploite l’iconographie skinhead et les codes queers et féministes. Ses flashs tattoos représentent bien le mouvement skinhead et met en avant la femme, la skingirl, avec des attributs souvent laissés aux hommes comme les poings américains, les cocktails molotov ou les battes de baseball. Très colorés, ces dessins portent aussi sur la vie pénitentiaire et réussissent à en donner une image pleine d’espoir et de force. Celia s’intéresse aussi à la place des femmes dans le milieu du tatouage, autre monde masculin, et elle essaie avec des fanzines et des portraits d’honorer de grandes figures féminines du tattoo. [+]

tatsianaTatsiana, jeune biélorusse de 21 ans, esquisse des portraits de skingirls et de skinheads, puis les retouche sur ordinateur. Elle reprend les codes skinheads dans ses créations avec un style qu’elle qualifie de cartoon. Les grands yeux de ses skingirls leur donnent un côté très attendrissant, ce qui contraste avec leur poignard ou leur marteau. Toutes ses représentations ne sont pas aussi énervées, elle dessine aussi des skingirls qui dansent, avec des CD de Trojan Records pour honorer un des piliers de la culture skinhead : la musique. Avec un style très personnel, elle décrit la vie des skingirls en toute simplicité, loin des clichés érotisés et fétichisés qu’on retrouve trop souvent dans ce milieu. [+]

doxDox Trasher est une artiste canadienne, au départ elle utilise plutôt le dessin et l’écriture, mais depuis quelques semaines elle s’essaie à l’autoportrait photographique, ce qui semble être une réussite. Elle compose en triptyque, ce qui n’est pas son seul point commun avec l’iconographie religieuse. Elle insère les notions de martyre, d’auréole, comme peut le faire aussi Tatsiana dans un style très différent. Le martyre est un thème central de l’iconographie skinhead : martyre de la classe ouvrière. Elle nous livre des photographies colorées, fleuries, qui apaisent. Dox Trasher y mêle ce qui fait d’elle ce qu’elle est : culture skinhead, spiritualité, émotions et art. [+]

fleischFleischwolf est un artiste néo-zélandais, vivant en Australie. Autodidacte il est touche-à-tout, et depuis quelques mois il s’essaie à la broderie. Medium souvent rattaché aux artistes femmes, il réussit à lui donner une toute autre dimension avec des images gays clairement érotiques. Il regrette qu’adolescent il n’ait pas réussi à trouver de représentations gays dans les contre-cultures qu’il côtoyait (punk et skinhead), alors, pour les prochains, il veut participer à en créer une. Même si le regard est centré sur le pénis dans chacune de ses broderies, nous pouvons tout de même y déceler l’identité skinhead des personnages grâce notamment aux polos, aux bretelles et aux chaussures de sécurité. Choquant peut-être, son travail a le mérite d’être clair : il est pour un regard plus libre sur l’homosexualité masculine. [+]

Mouvement d’une exposition

Nous avons voulu faire de cette exposition un espace de parole pour les femmes et les personnes queers, skinheads ou non, afin d’évoquer leur place dans les milieux masculins. C’est en partie pour cela que l’exposition est itinérante et a déjà été montée à Pau, puis sera présentée à Lille, Bruxelles et Paris. Autour de ces œuvres nous organisons journées d’étude, conférences, ateliers, émission de radio, etc. Notre blog tente d’être actif avec la publication chaque semaine d’un article ayant attrait à la culture skinhead, féministe, queer et.ou aux œuvres présentées.

Ce projet nous a demandé du temps et de l’engagement mais nous permet de nous essayer à une exposition ambitieuse, qui nous apprend beaucoup, tant par les réalisations qui améliorent nos compétences qu’au fil des rencontres.

Pour plus d’informations sur l’exposition : notre site

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Article rédigé conjointement avec Léna Widehem

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