
Byzance, Constantinople, Istanbul… Tous ces noms illustres et merveilleux ne désignent qu’une seule et même réalité, une ville millénaire parmi les plus peuplées de l’Histoire, tant poumon économique que cœur culturel pulsant des civilisations !
Mais avant toute chose, Constantinople c’est le pont sur le Bosphore, la ville à cheval sur deux continents, la capitale féérique où se rencontrent et se mêlent depuis la nuit des temps Orient et Occident.
Mais tant d’importance dit aussi convoitise : dorée, luxueuse, langoureusement blottie le long de la Corne d’Or ; elle est désirée par toutes les puissances méditerranéennes qui veulent contrôler ce verrou stratégique promesse d’abondance et de richesses infinies.
Les grecs ne s’y trompent pas en fondant la colonie de Byzance au VIIe siècle avant notre ère.
Alors plus maitresse du passage vers la mer Noire que vers l’Orient perse menaçant, elle est déjà au cœur d’une des routes commerciales majeures de l’Antiquité : celle du blé pontique.
Les fertiles rives du Pont-Euxin, l’antique mer Noire, servent de surabondant grenier à blé pour la Grèce montagneuse, et c’est dans les entrepôts de Byzance que s’amassent des montagnes de grains nourriciers.
Passant de l’autorité des Athéniens à celle des Spartiates, balancée entre son indépendance et la domination perse, elle résiste à Philippe II de Macédoine avant de plier le genou devant son fils Alexandre.
Tombant sous la coupe romaine, comme l’ensemble du monde grecque, lors des grandes conquêtes de la République, elle va connaitre un sort tragique en prenant les mauvais partis lors des multiples guerres civiles qui ravagent l’empire.
En 330, après une énième guerre de succession suite à la chute de la Tétrarchie de Dioclétien, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même quand Constantin décide d’y faire ériger la nouvelle capitale impériale.
Vient alors l’ère de Constantinople, littéralement la cité de Constantin, où les plus belles œuvres d’art de l’Antiquité sont déplacées ; à l’instar la mythique Statue de Zeus d’Olympie pour ne citer qu’elle.
Métropole à la population sans cesse croissante, estimée à plusieurs centaines de milliers d’habitants, elle s’impose comme la capitale de l’empire romain d’Orient lors de la division entre les deux fils de Théodose en 390.
Bien plus défendable, Constantinople se maintient, toujours plus glorieuse, en dernière héritière du flambeau millénaire de la gloire romaine tandis que Rome tombe sous les coups répétés des envahisseurs barbares en 476.
Pour tout l’Occident chrétien qui va lentement renaître, ces « byzantins » vont représenter la puissance méditerranéenne par excellence, celle qui détient à la fois l’héritage grec et l’autorité romaine perdue. Même si le schisme orthodoxe a un peu fragilisé les relations, surtout au niveau religieux, on ne peut que reconnaître leur grandeur des empereurs qui se succèdent à la tête de la deuxième Rome.
Maîtres de la Terre Sainte, bâtisseurs de merveilles comme la Sainte Sophie, conquérants à leurs grandes heures d’enclaves en Sicile, Italie, Espagne ou Afrique ; ils dominent depuis les hauteurs de leurs trônes orfévrés les roitelets balbutiants de France ou d’Alémanie, barbares à peine chrétiens, à peine romains.
Parés de la pourpre impériale, ils maitrisent directement la production des trois splendeurs mirifiques qui vont rêver l’Occident : l’or, l’ivoire et la soie.
En effet, avec l’Antiquité tardive et le début du Moyen-âge, c’est une nouvelle grande voie commerciale nouvelle qui s’est ouverte : la route de la Soie.
Nouvelle de par son origine : Xi’an, capitale mythique des empereurs de Chine ; de par son parcours : de l’Extrême-Orient au Levant en traversant les immensités de l’Asie centrale ; et de par les richesses qu’elle convoie : la soie, l’encens, l’ivoire, les épices.
Ce réseau titanesque et infini de voies commerciales, tant maritimes que terrestres, se déploie entre les peuples et les croyances, reliant ce qui jamais ne se serait sinon rencontré.
Cette odyssée à travers montagnes, steppes, hauts-plateaux et déserts ne peut qu’aboutir et déverser ses richesses qu’en une seule ville digne de son cosmopolitisme : Constantinople sur le Bosphore, dépositaire de ces richesses orientales qu’elle distille ensuite dans l’Occident chrétien naturellement privé de ces fééries.
Même si d’autres débouchés sur la Méditerranée sont possibles ; notamment au nord la route des steppes par le Caucase ou plus au sud les routes indiennes par Alexandrie et les navires qui remontent la mer Rouge ; c’est l’un des trajets les plus lucratifs qui relie les capitales des deux plus grands empires que le monde antique ait connu.
Partant de Xi’an, les caravanes à destination de Constantinople ; qui ne cesseront d’accumuler les richesses sur la route ; font route vers Dunhuang avant de contourner le terrible désert du Taklamakan par le sud jusqu’à atteindre Kashgar, carrefour de l’Asie.
De là, on repart au nord pour contourner les monts Pamir, qui culminent à plus de 7000 mètres, et atteindre Samarkand au cœur de l’Asie Centrale et de sa multitude de peuples. Par Samarkand, on joint ensuite la Perse, l’Irak et l’Arménie que l’on traverse toutes trois pour aboutir finalement sur les rivages de la Mer Noire et de la Méditerranée ; devant Constantinople la merveilleuse.
Malheureusement, Constantinople tombera entrainant avec elle ce fabuleux réseau qui a fait sa fortune.
En 1453, les forces ottomanes menées par le sultan Mehmet II accomplissent ce que les puissances musulmanes cherchent à accomplir depuis plus de 700 ans : prendre Constantinople et écraser cet empire byzantin qui bloque l’accès à l’Occident.
Malgré les tentatives désespérées des empereurs byzantins qui appellent à l’aide l’église de Rome ; étant prêts à abandonner l’orthodoxie pour réintégrer le giron de l’église catholique ; et à travers elle les puissances occidentales, lors des conciles de Ferrare et Florence, Constantinople la mythique tombe laissant déferler les envahisseurs turcs sur les Balkans et jusqu’à Vienne où ils seront finalement arrêtés.
Cette deuxième Rome, celle qui avait émerveillé nos rois et nos chevaliers partis en croisades libérer les lieux saints, joyau de la Méditerranée et personnification de ses identités et influence multiple, bascule dans une autre sphère d’influence, coupée à jamais de ses racines anciennes.
Cet empire turc menaçant, prêchant l’Islam jusque sous les remparts des capitales chrétiennes, va pousser les royaumes occidentaux dans une autre ère fondamentale de leur histoire, celle des Grandes Découvertes.
Motivés par le double espoir désespéré de trouver une autre route vers les Indes et ses richesses, et de tomber sur des royaumes chrétiens oubliés qui pourraient, au nom de la foi commune, prendre en tenaille le tentaculaire monde ottoman ; les navigateurs portugais, espagnols ou encore hollandais vont affronter les immensités bleues jusqu’à la découverte d’un Nouveau Monde, les Amériques, et surtout d’une voie maritime contournant la masse continentale africaine pour retrouver les Indes tant fantasmées.
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