
Le jeudi 28 septembre, la Chapelle Expiatoire de Paris accueillait Pierre Serna, professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Le thème de cette conférence du cycle « Histoires et Mémoires de la Révolution et de la Restauration » était « La place de l’animal dans la Révolution ». Sujet vague et interrogatif au début, l’auteur de Comme des bêtes, Histoire politique de l’animal en Révolution 1750-1840 (aux éditions Fayard) nous a donné quelques pistes de réflexions pour approfondir ce sujet si peu traité.
L’animal a une place importante pour l’Homme qui l’utilise comme énergie (exemple du moyen de transport), comme nourriture ou comme compagnon. On le retrouve aussi dans des emblèmes aristocratiques. Il est donc un pilier de la vie de l’humain qui lui dédie des espaces spécifiques comme il est possible de remarquer sur la carte de Vaugondy datée de 1771 où il y a un « Clos des animaux », endroit où se réalisaient des combats d’animaux (coqs, chiens, taureaux…) pour le divertissement de l’humain.
Cette distraction est visible aussi lors des foires où l’animal est un pilier des expôts. Mais il n’est pas seul, si un être humain a des traits spécifiques le faisant ressembler à un animal (maladie de peau par exemple), il sera exhibé de la même manière, perdant son statut d’Homme pour celui d’animal de foire. Ces événements sont populaires à cette époque et attirent beaucoup de visiteurs curieux.
L’Homme est aussi bien bestialisé par les Révolutionnaires et Contre Révolutionnaires car il est plus facile de tuer son adversaire s’il perd son statut d’Homme pour celui d’animal. Il y a différents moyens d’arriver à cette fin : cela peut être de la caricature dessinée mais aussi des jeux de mots sur les noms. C’est alors une « représentation violente et humiliante de l’autre » [ Pierre Serna ].
Certains animaux ont des réputations qui restent gravées dans l’esprit. Le chien a des vertus républicaines comme la fidélité et le courage mais le chat est une représentation péjorative de la femme et ceux qui s’occupent de lui sont alors de êtres stupides. Cependant, il y a aussi des considérations scientifiques comme des vétérinaires de Maison Alfort qui démontrent l’utilité du félin au sein de la ville.
Le cas de la Ménagerie du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris
En 1792, est nommé le premier intendant de la ménagerie : Bernardin de Saint Pierre. Le but est de montrer les animaux, mais d’une manière autre que dans les foires qui sont interdites par un arrêté du 3 novembre 1793. Il y a le souhait de stopper les mauvais traitements envers eux et cela peut provenir du Droit Naturel qui promulgue égalité et équité dans la société. Les animaux ne doivent plus être dégradés. Cependant, Bernardin de Saint Pierre relève quelques problèmes dont le fait que l’animal est tout de même présenté en cage alors que l’Homme qui l’observe est libre. Des nombreux questionnements philosophiques apparaissent à cette époque sur la relation Homme-animal. Cela va du côté chronologique en disant que l’animal est un compagnon des plus lointains à une classification spéciste mettant d’un côté les « animaux Républicains » qui sont paisibles et utiles à la République et de l’autre les « animaux féroces » dont l’enfermement dans une cage est mérité. L’animal est donc un objet politique, que cela soit de manière intellectuelle par une symbolique mise en oeuvre à un côté plus pratique en célébrant l’arrivée de ceux-ci au sein de la ménagerie.
Celle-ci est construite dans un quartier de Paris qui était pauvre à l’époque. C’est la volonté de placer quelque chose d’intellectuellement fort au sein d’une zone qui ne l’est pas. Son entrée est libre et des cours gratuits sont dispensés par des savants. On suit la logique de la Révolution, l’instruction est accessible à tous.
En juin 1793, le Muséum d’Histoire Naturelle est inventé et tout un programme de « science républicaine » et de « civilité républicaine » tourne autour de lui. Il doit être un espace d’éducation et d’harmonie.
Le comte de Lacépède est le directeur de la ménagerie sous le Directoire et le Premier Empire. En 1807, on y compte plus de 1600 quadrupèdes et 3000 oiseaux, faisant d’elle la plus grande ménagerie d’Europe.
Des questionnements moraux

Certains animaux sont érigés comme égérie et symbole de pouvoir. Cela passe par une publicité avec de nombreuses gravures mais aussi par le choix d’un prénom. Tel est le cas des éléphants Hans et Marguerite. Cet animal est celui qui peut être caractérisé comme le plus républicain et comme la République doit être féconde, le but va être de les faire se reproduire. Si ce symbole vivant d’un état peut avoir des petits étant aussi instruits et corrects que lui, la République qui est un nouveau système politique peut avoir les mêmes générations futures. De nombreuses gravures vont être réalisées notamment sur leur sexualité comme il est possible de trouver chez Houel avec L’Histoire naturelle de deux éléphants mâle et femelle du Muséum de Paris venus de Hollande en l’an VI publié en 1803.
Cette logique de régénération qui a été mise en avant par Frédéric Cuvilliers n’est pas que française. On peut retrouver la même chose en Angleterre mais avec d’autres espèces animales comme le lion. D’ailleurs, ce pays suit la même logique de bestialisation de l’ennemi. Les français sont vus comme des monkeys et de nombreuses illustrations les transforment alors en singes.
La religion a certaines angoisses par rapport à la relation Homme-animal et notamment celle avec le singe. De nombreuses questions se posent à cette époque où l’on découvre l’orang-outan. La Révolution a amené une forte déchristianisation de la population mais un certain humanisme est gardé notamment en se basant sur le premier commandement du Nouveau Testament où Jésus considère l’animal comme ami.
En 1802, sont posées les questions sur le mauvais traitement des animaux et si il faut des lois pour eux. On a aussi la question du végétarisme dit républicain. La viande à Paris est de mauvaise qualité à cette époque et les néo-républicains veulent retourner à un état plus primitif, prônant alors ce végétarisme. Par exemple, on peut constater un certain nombre de végétariens parmi les artistes qui composent l’atelier de David.
Conclusion
Cette courte conférence n’était que la présentation sommaire de quelques pistes de réflexion. En effet, ce sujet est très large et complexe et ne peut pas être traité en une heure seulement. Ce moment était donc la découverte de considérations révolutionnaires qui ne sont pas mises en avant dans les principaux livres d’Histoire. Pour approfondir ce sujet, il ne nous reste plus qu’à nous plonger dans les écrits de Daniel Roche et Michel Pastoureau mais surtout de Pierre Serna.