Autisme et culture

La plupart d’entre vous ignorent peut-être ce à quoi la journée du 2 avril est dédiée : la sensibilisation à l’autisme. Aussi appelée Neuroatypie, et non maladie connue et stigmatisée, qui a pu faire polémique il y a un an lorsque François Fillon a utilisé plusieurs fois l’expression « je ne suis pas autiste » lors des présidentielles. Beaucoup de clichés circulent et même plusieurs parmi les professionnels (ce qui aboutit à bien des errances diagnostique).
Commençons avec quelques chiffres : en France, 80 % des enfants autistes ne sont pas scolarisés, taux très bas par rapport aux pays voisins. De même, 10 % des adultes autistes travaillent, et au minimum 50 % des femmes autistes ont été victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Ces chiffres sont énormes, aberrants, et même la qualité de vie est touchée : une personne autiste a 20 ans de moins d’espérance de vie qu’une personne non autiste, et huit fois plus de chances de se suicider. A l’heure du début du cinquième plan autisme, pouvons nous donner la parole à des personnes autisme pour comprendre un peu mieux les tenants et aboutissants du problème ?

Note : ici je vais parler de personnes autistes pour une question de facilité mais suis une « high functioning » terme parapluie qui regroupe les personnes Asperger, terme qui n’est normalement plus utilisé dans le DSM V (sorte de manuel officiel qui sert à établir les diagnostics pour tout ce qui touche à la psychologie) mais reste usité dans le langage courant ; tout comme Julie Dachez Josef Schovanec ou Hugo Horiot notamment qui sont les autistes à qui on donne le plus la parole en France. De plus j’évite d’utiliser la dénomination avec autisme et suis au fait des débats concernant cette expression.

Une histoire liée… A l’Allemagne nazie

Etant donné que nous sommes sur un journal culturel j’ai trouvé pertinent de passer par les témoignages de deux personnes autistes, Julie Dachez et Josef Schovanec. Je suis encore en cours de lecture de Ma vie d’autiste (Temple Grandin) ainsi que de Je suis né un jour bleu (David Tammet) ; et les noms cités ici ne sont qu’une partie des témoignages existants, pour peu que l’on y prête un peu d’attention. Une chose restant à déplorer toutefois reste le fait que les médias focalisent complètement sur les high functioning nous donnant une image de génie incompriset restant dans son coin à faire des maths ou étudier des langues. Cependant même parmi les high functioning, une grande partie d’entre nous ne correspondent pas à ce stéréotype, qui vient cependant d’une raison simple : les premières recherches ont été menées par Hans Asperger, un médecin allemand, qui a trouvé et identifié les high functioning durant la seconde guerre mondiale, et en démontrant l’intelligence des enfants malgré leurs stéréotypes, habitudes et toutes ces petites choses qui font que même les high functioning sont différents de la norme dans la gestion du quotidien, il a pu leur éviter les chambres à gaz. Au même moment en Amérique, M. Kanner découvrait l’existence des ‘low functioning’, aussi appelés autistes sévères. Cependant, pendant très longtemps on a seulement pris en compte les travaux de Kanner, et ceux de M. Asperger ne sont revenus à jour que dans les années 80. Aujourd’hui, on a appris à nuancer, à dire que ce n’est pas soit l’un soit l’autre, qu’il y a d’autres catégories et surtout que la plupart d’entre nous peuvent faire partie de plusieurs catégories en même temps. Finalement les personnes purement Kanner ou Asperger ne représentent chacun que 10 % du spectre, ce qui veut dire que 80 % se trouvent dans un entre deux. Je voudrais d’ailleurs ajouter un point sur la provenance de l’autisme, et la réponse est qu’il ne vient pas des vaccins ni des écrans. Les recherches sont encore en cours, et se dirigent plutôt vers une piste génétique (sachant qu’il peut y avoir des sauts de génération et même que les gènes peuvent se modifier entre des générations) ou environnementale. Sachant aussi que l’environnement peut juste déclencher quelque chose qui était déjà présent, comme on peut voir sur par exemple la bipolarité : les bases étaient déjà présentes mais un déclencheur peut avoir lieu via la prise de certains médicaments agissant directement sur l’humeur (mais quand c’est le cas le risque de déclencher une phase maniaque est connu et indiqué).

La différence invisible

Julie Dachez a été diagnostiquée à 27 ans, elle en a 32 aujourd’hui, et fait des vidéos sur YouTube, sous le pseudo de Super Pépette. Comme elle le dit aujourd’hui, son parcours est incroyable étant donné qu’elle a fait une école de commerce avant de faire un burn out quand elle a intégré une entreprise. Comme elle le dit, elle a tenté de se renier, de cacher qui elle était vraiment des années, puis son diagnostic est tombé. Le roman graphique qu’elle a produit l’an dernier avec l’aide de la dessinatrice Mademoiselle Caroline conte sa vie juste avant que le diagnostic ne soit posé, les démarches diagnostiques puis la vie après (oui puisque le diagnostic n’est pas un but en soi, il y a un après en théorie comme en pratique) on découvre donc les clichés auxquels on peut faire face, mais le tout avec toujours beaucoup d’humour, et de pédagogie : tous les ressentis de Julie ont été respectés et mis en dessin, ce qui rend le tout très accessible. De plus la bande-dessinée est faite en noir et blanc, mais avec des touches de rouge, ce qui la rend très facile d’accès et à accrocher. On a de plus au début comme à la fin des encarts écrits par des psychiatres spécialisés, sur la difficulté de diagnostic actuellement : et encore plus pour les femmes. Des biais de genre ont en effet été appliqués au moment de créer les critères diagnostics, ce qui rend les femmes bien plus difficilement détectables (on parle en théorie d’un garçon pour une fille mais ces chiffres sont en train d’être revus à la hausse). Enfin, reste que si vous voulez une BD qui vous apprend vite comment nous comprendre vraiment, celle-ci est une très bonne idée.

Je suis à l’est

Josef Schovanec est un autiste impressionnant de polyglottie et d’aptitude aux langues : il en parle actuellement une bonne dizaine, et est également docteur en philosophie, en plus d’être un ancien élève de Science Po Paris. Dans cette autobiographie qui a été écrite il y a quelques années (on peut d’ailleurs voir des différence de traitement de sujet entre Julie Dachez et lui), là aussi le but est de transcrire sur papier le vécu d’une personne autiste, et en plus des errances diagnostiques, on a également le danger qui se cache derrière celles-ci : par exemple M. Schovanec a été sous camisole chimique, les psychiatres le suivant n’ayant pas forcément compris de quoi il ressortissait. On a ici contrairement à La Différence invisible -qui expose les choses via une narration intra et extrra diégétique pour montrer comment les choses sont ressenties,- uniquement le point de vue de l’auteur. Mais qui va expliquer son histoire, comme les difficultés que nous rencontrons au quotidien et qui ne font pas forcément partie des clichés, comme par exemple le fait que même si certains d’entre nous sont surdoués, il reste que ces même personnes vont rencontrer des difficultés devant l’accomplissement de tâches très simples comme par exemple faire ses lacets, ou même empiler des assiettes de façon à ce qu’elles soient droites. Egalement, Schovanec remonte jusqu’à son enfance, dans un fil conducteur jusqu’à maintenant, et peut donc témoigner de choses comme le harcèlement scolaire,qui touche en grande partie les enfants considérés comme différents.

L’autisme est un sujet extrêmement large, et que je suis bien consciente d’avoir juste effleuré aujourd’hui. Je reste par exemple moi-même sur ma faim, en n’approfondissant pas nos caractéristiques propres ; tout comme je reste un peu frustrée de ne pas avoir pu exposer plus d’autistes. Toutefois, j’espère vous avoir proposé une synthèse qui vous donnera envie d’en savoir plus. Si vous vous posez la question, tout comme les deux auteurs dont je viens de parler, j’ai obtenu mon diagnostic l’année dernière, à 21 ans, suite à un burn out. Après j’ai également un cursus dit brillant étant passée par des classes prépa puis par une grande école, toutefois j’insiste fortement là-dessus : nous ne sommes pas une majorité, bien au contraire. Et même si on peut avoir l’impression que je n’ai aucun problème, en réalité j’en ai d’énormes en adaptation, qui me font constamment prendre sur moi et font que je dors énormément, sans oublier mes hypersensibilités sensorielles qui me rendent quasiment incapable de parler une bonne partie du temps.

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