
Marine est étudiante en Master 2 à l’Ecole du Louvre. Vous avez surement dû l’apercevoir hier à l’afterwork du Junior Conseil car elle en est la vice-présidente. Aujourd’hui, sourire aux lèvres, elle nous parle de son projet Artnimals, pour mettre l’animal dans l’Histoire de l’Art au devant de la scène.
Florilèges : Quand as-tu eu l’idée de ce projet ?

Marine : C’était l’automne dernier, en 2015. C’est vraiment bizarre. C’est le nom qui m’est venu en premier. J’étais un peu « mais oui mais c’est bien sûr, j’aime écrire, j’aime les animaux, j’aime l’Art ». Quand je suis dans un musée mon œil est tout de suite attiré par le chien dans le coin du tableau. A la base j’avais l’idée d’en faire un Tumblr et mon frère jumeau m’a dit « mais non, sois plus ambitieuse, fais-en un vrai site internet ». Artnimals a son propre Facebook, Twitter et Tumblr mais c’est un site en premier.
Niveau graphisme et conception, tu gères tout ou tu es aidée?

Je fais absolument tout du début à la fin et toute seule. Ça a un côté un peu fait maison. Pour le lancement, un 14 février, j’avais fait une compagne de e-cards et donc, durant 14 jours il y avait des petites cartes avec des messages d’amour rigolos car l’idée du site et de ne pas être pris au sérieux.
Pourquoi une telle ligne éditoriale?
L’idée était que quand je dis à mes amis « est-ce que tu aimes l’Histoire de l’Art ? » ils me répondent « je ne sais pas, je n’y connais rien » ce à quoi je leur dis « OK mais est-ce que tu t’y connais en chatons mignons? » et là ils sont « ah ouais c’est bon je maîtrise ça ». C’est la seule base dont tu aies besoin pour comprendre les articles. On voit sur internet que les gens sont intéressés par l’Art, les jeunes surtout. Ils ont envie de savoir mais ils se disent qu’ils n’ont pas les bases. Dans un cadre institutionnel on leur parle souvent avec certains mots et c’est difficile quand tu ne sais pas où commencer. Pour moi c’est une porte d’entrée pour les gens qui ont envie de découvrir ce monde.
Quels ont été tes premiers retours ?

Je n’ai reçu que des retours positifs, des personnes qui s’y connaissent déjà un peu ou non. Si des gens ont des retours négatifs et constructifs, je n’attends que ça. Le seul hate comment que j’ai eu c’était lorsque j’ai publié une photo de moi sur mon Insta avec mon chien dans mon sac. J’étais avec une amie et je lui faisais visiter la ville dans laquelle j’habite et notamment l’église. Hors j’avais mon petit chien avec moi et je l’ai caché dans mon sac car je me suis dit qu’une créature de Dieu dans la maison de Dieu c’était ok mais que si elle pouvait éviter de se faire remarquer et de faire des bêtises c’était mieux. Elle a été très sage et a détesté ça. La photo me montre en train de la sortir du sac et là : « ohlala qu’est-ce que c’est de cette fille qui se sert de son chien comme accessoire de mode ». C’était hyper drôle car j’avais l’air de Paris Hilton et la photo était sortie de son contexte. Mais je suis la première à hausser les sourcils lorsque je vois un chien porté dans un sac car « laissez-les courir ! ». Un truc que j’adore aussi c’est que des gens m’envoient spontanément des photos d’animaux qu’ils ont vu au musée.
Pourquoi l’anglais ?
Car je suis à moitié américaine et que beaucoup de français lisent l’anglais et pas l’inverse. Je touche ainsi un public plus large. Il y a 30 % de lecteurs français et le reste est international. Ils ne seraient pas là si c’était en français.
Quel est ton réseau social préféré ?

Le contenu principal est sur le site et le contenu additionnel sur les réseaux sociaux. Je préfère Tumblr et Instagram car c’est basé sur l’image et du coup c’est plus naturel pour moi. Sur Twitter c’est plus exprimer quelque chose en 140 caractères qui doit être actuel et pour moi c’est moins évident. Je suis en France avec un public international donc il y a des décalages de fuseaux horaires. Tumblr marche mieux que Twitter car je peux programmer à l’heure américaine. Il y beaucoup de contenus sur internet et il faut se différencier.
Qu’est-ce qui est le plus facile et le plus difficile dans ce projet ? Pourquoi ?
Le plus difficile est que c’est du non-stop avec les réseaux sociaux et que j’ai aussi d’autres activités.

Le plus facile est le fait que ce soit un passion project. Je le fais avec mon cœur et quand j’écris des emails de travail on parle de nos chiens, c’est hallucinant. On dit souvent « oh ton chat est trop mignon ! comment va-t-il ? » et ça, c’est génial.
Il y a des moments où tu as le writter’s block mais aussi d’autres où ça vient et j’ai plutôt tendance à me retenir de faire des blagounettes que l’inverse et ça c’est plutôt pas mal.
Arrives-tu à gérer Artnimals et cours ?
C’est difficile. Cet été j’ai fait un summer break car avec mon stage au Louvre je n’avais physiquement pas le temps. Je pars du principe que ça doit rester un plaisir et si ça devient une source de stress en plus, on ne s’en sort plus. Il m’arrive souvent de poster des choses sur le tard mais j’ai des gentils lecteurs indulgents. Normalement je publie une fois par semaine.
Comment t’organises-tu ?

Je fais ça après tout le reste, dès que j’ai une pause entre deux cours je tweete, puis après j’édite une photo pour Instagram. Je poste le vendredi, souvent je fais ça entre 20h et minuit. Je cale ça dans tous les interstices de mon emploi du temps qui sont assez rares.
Comment se passent les interviews que tu réalises ?
Je les fais la plupart du temps à l’écrit, par mail. C’est moi qui envoie un mail. J’ai appris à ne pas m’autocensurer, parfois je vais contacter quelqu’un en me disant « c’est génial je veux trop lui parler ! » et je ne me dis pas « il ne me répondra jamais ».
Les gens peuvent se demander comment j’ai interviewé Choupette Lagerfeld. C’était son anniversaire et tous les magazines se mettaient à en parler mais je ne la connaissais pas. Je me suis renseignée et l’ai adoré. J’ai contacté par mail la personne qui était en charge de ses réseaux sociaux, elle a été ravie de me parler et répondre aux questions.
Bien sûr, des mails sont envoyés et je n’ai pas de réponse mais c’est aussi valable dans l’autre sens, parfois des gens m’envoient des mails mais je ne suis pas intéressée.
L’interview la plus intéressante est celle d’un conservateur qui m’avait répondu pour un article sur l’expo Huet au musée Cognacq-Jay. Je l’ai écrit dans le ton irrévérencieux, qui ne se prend pas au sérieux, et il a été gentil car il s’est pris au jeu.
Te documentes-tu dans tes cours ?

Evidemment ! J’ai la chance de savoir par où commencer car j’ai la triste impression que le monde de l’Histoire de l’Art est pour les initiés. Quand tu vas visiter un musée en tant que touriste, tu te dis « qu’est-ce qui se passe ici ? C’est qui la dame à poil avec le chevalier ? Qu’est-ce que c’est que ce binz ? ». J’essaye de regarder l’Histoire de l’Art avec un œil vierge car j’ai l’impression que nous oublions ces bizarreries. On va voir une oeuvre en cours et je vais me dire « très bien, là il y a une histoire à en tirer ». Ce qu’on voit en cours n’est pas suffisant pour avoir une histoire car il faut un fil conducteur. Le but n’est pas de surcharger la personne qui lit l’information mais plus de lui raconter une histoire ou de lui présenter un artiste intéressant et rigolo pour qu’il puisse partir avec quelque chose, il faut choisir un angle.
Mais mon inspiration vient beaucoup de mes visites dans les musées.
Est-ce que les recherches que tu as pu mener à côté t’ont aidées pour les cours ?
Je ne pense pas, ou pas directement en tout cas. Par contre le site a l’intérêt de me tenir au courant du monde de l’Art car je suis obligée et il m’a donné des contacts avec les professionnels. Par exemple, une fois il y avait une vente de porcelaines qui contenait des carlins et il s’avérait qu’ils étaient liés à la franc-maçonnerie j’étais là « C’est le Da Vinci Code x 30 millions d’amis, c’est hyper drôle ». Je leur ai envoyé un message et ils m’ont envoyé toutes les informations sur la vente. En master 1 tu commences à avoir un aperçu du panorama de ce que ça veut dire de travailler dans l’Art. Typiquement c’est une expérience qui m’a permis de me familiariser avec les maisons de ventes et leur communication.
Que dirais-tu à un élève qui souhaiterait se lancer dans un tel projet ?
S’il a un projet qui est bien mûri, je lui dirai d’oser. Un moment il faut arrêter de trop réfléchir et il faut y aller. C’est important d’avoir un projet mûri, un bon concept et les moyens. S’il n’est pas sûr de lui, il faut faire ses armes avant.
En quelques mots, comment vois-tu Artnimals ?
C’est mon bébé, il a pris un peu de temps de gestation mais quand je le regarde honnêtement je suis fière, je me dis qu’il est beau, drôle. Je me dis que je crée un contenu que j’aurais aimé trouver.
Vous pouvez retrouver Artnimals sur Facebook, Instagram, Twitter, Tumblr et Pinterest.