Centre Pompidou Metz : pluridisciplinarité,démocratisation culturelle et environnement

Cet article fait parti d’une série d’écrits issus d’exposés présentés lors des Travaux Dirigés portant sur l’Art actuel que je donne à l’Université de Pau pour des L3 Histoire de l’art. Ceux-ci ont été retravaillés par les étudiant-es afin de correspondre au format article, ce sont des travaux de qualité axés sur ces différents axes : muséographie, écologie, intime et citation.
Marion Cazaux, mhkzo.

Quelles actions ont été mises en place afin de démocratiser la culture, ces dernières décennies ? Sur le plan régional, de nouveaux établissements culturels et artistiques ont été édifiés de manière à répondre à cette problématique. Nous prendrons, l’exemple concret du centre Pompidou Metz, premier témoin de cette politique de décentralisation. Comment cette vocation est-elle assurée par ce bâtiment contemporain et futuriste ? En quoi sa conception lui permet-il d’établir un lien avec la ville et ses visiteurs ?

La volonté de diffuser la culture

Ce centre a été inauguré en 2010 à la demande du centre Beaubourg et des collectivités territoriales. Shigeru Ban et Jean de Gastines l’ont conçu à la suite du concours international remporté en 2003. L’architecte japonais utilise notamment la structure de tubes de carton dans des logements éphémères pour les victimes de cataclysmes. Par ses actions humanitaires, il est surnommé « l’architecte de l’urgence » et obtient le prix Priztker. L’architecte français Jean de Gastines édifie généralement des établissements liés au tourisme et à l’agrément, tout en respectant l’environnement. Les collaborateurs ont « (…) imaginé une architecture qui traduise l’ouverture, le brassage des cultures et le bien-être (…)1». En outre, l’importance est portée sur la valeur pluridisciplinaire et éducative du centre. Le statut du centre Pompidou-Metz, d’« établissement public de coopération culturelle », lui assure une programmation autonome de ses expositions temporaires. Ces dernières sont accessibles à un public plus étendu de régionaux et de frontaliers en raison de la position centrale de Metz entre la Belgique, l’Allemagne et la Suisse. Le Louvre Lens ouvert en 2012 répond également cette même volonté de démocratisation culturelle. Les œuvres exposées sont empruntées essentiellement au Louvre et au Centre Beaubourg. Ces collections sont rendues disponibles pour tous. L’établissement de Metz collabore avec des acteurs et établissements régionaux et parfois plus éloignés comme ceux de la Grande Région.

Un lieu pluridisciplinaire, fonctionnel et « flexible »

Le centre Pompidou-Metz dispose d’une vaste surface pour répondre à sa fonction d’exposition et d’initiation à l’art du XXe au XXIe siècles. Il s’étend sur plus de 10 000 m2, dont plus de la moitié est destinée à exposer des œuvres d’art. Ces espaces d’exposition sont diversifiés. Parmi eux, se trouvent des lieux aux volumes phénoménaux dont la grande nef pouvant accrocher des œuvres monumentales qui ne peuvent pas l’être dans le centre parisien. Les trois longues galeries (80 m) bénéficient d’une clarté grâce aux baies vitrées. La flexibilité des espaces envisageable grâce à leurs cloisonnements simplifie le renouvellement des œuvres exposées. Dans le cas du forum, sa surface peut s’étendre au-delà des parois. Il abrite une tour métallique donnant l’accès aux galeries. Ce monde culturel contemporain a une identité pluridisciplinaire. Ainsi, un auditorium est consacré aux conférences et au cinéma tandis qu’un studio accueil des formes artistiques spécifiques (photographie, performance, installation). Ce centre est un lieu rassurant, qualifié d’ailleurs par ses architectes « d’abri ». C’est « un espace couvert mais ouvert2» dont la toiture douce et ample déborde du bâtiment. Par son aspect aérien et sinueux la charpente autonome du reste du bâtiment semble être en mouvement. Ce sentiment de souplesse est intensifié par les portes à faux des galeries (constructions en surplomb). Ces nombreuses formes structurelles souples blanches et lumineuses participent à cette ambiance sereine.

La sophistication technique d’une architecture inédite

La toiture semblant être « un grand mouchoir posé sur les volumes3 » est un élément orignal et d’une grande complexité. La modélisation par ordinateur est une des technologies qui a contribué à la conception de cette dernière. D’une forme hexagonale asymétrique et sinueuse, elle est constituée par un assemblage de poutres de bois lamellé-collé. Le bois et cette méthode d’assemblage confèrent à la charpente une robustesse et lui permet d’atteindre jusqu’à 40 mètres de haut. Shigeru Ban a souhaité renouveler les motifs géométriques après avoir observé le cannage d’un chapeau chinois traditionnel. La toiture est soutenue par les poteaux tulipes et est traversée par une tour en métal s’affinant en son sommet. La matière translucide et étanche de la membrane permet de contrôler les rayons lumineux, révéler la physionomie de la charpente, mais aussi de renforcer cette ambiguïté dedans/dehors. Le blanc réverbère la lumière et la chaleur. Les trois galeries en béton aux rectangles identiques sont disposées à différents étages en décalage. Shigeru Ban dit que les « (…) galeries sont comme des wagons à l’abri sous la toiture4 ». Les formes et les volumes architecturaux allient esthétisme, fonctionnalité et accessibilité. Dans cette architecture, on note une reprise des mêmes formes. L’hexagone est multiplié : sur l’édifice et sa tour ainsi que sur la toiture et la charpente. Des éléments contraires s’équilibrent : à l’intérieur et l’extérieur des pleins et des vides et des éléments verticaux et horizontaux.

Le rapport avec l’environnement naturel et urbain

L’institution est un peu en retrait du centre-ville. On observe certains édifices majeurs (cathédrale XIIIe s, gare XXe s) liant le centre Pompidou-Metz et le centre-ville. Les monuments représentent des moments spécifiques de l’histoire messine. Par son caractère novateur, le centre Pompidou-Metz évoque le XXIe s. Son apparence distincte se signale et s’inclue dans la métropole, tel l’emblématique centre Pompidou de Paris, plusieurs décennies auparavant.

Les centres Pompidou sont semblables sur plusieurs points : leur transparence, les parvis de même superficie. Ces parvis établissent le passage entre le musée et la ville. D’autres établissements partagent ce rapport avec leurs cadres naturels et/ou urbains. Le Louvre Lens est en osmose avec la nature. La transparence de ses façades reflète le parc, donnant l’impression d’une continuité de l’intérieur vers l’extérieur et inversement. Le centre Pompidou-Metz, a quant à lui été conçu tel « un espace sans frontières entre le dedans et le dehors5 ».

Ces deux établissements ont été édifiés ex-nihilo. Cependant, de nombreux friches/sites industriels ont été réhabilités pour accueillir des centres d’art contemporains. Lorsque les villes ont les finances nécessaires pour construire, elles sont dans le devoir de respecter l’environnement. Aux abords, du centre Pompidou-Metz se trouvent des jardins, quant au centre Pompidou parisien, il est au cœur de la capitale. Les architectes ne répondent pas seulement à la problématique environnementale en implantant des parcs aux alentours des musées. A Metz, certains dispositifs sont mis en place afin de privilégier les ressources naturelles. L’ondulation du jardin nord constitué de creux et buttes recueille les eaux de pluie provenant de la toiture (membrane, poteaux-tulipes) et du parvis. Ainsi, les arbres (prunus) qui y sont plantés sont alimentés. De plus, on tient compte de l’environnement par l’usage de matériaux naturels. La charpente est en épicéa, bois recyclable. Le téflon de la membrane contrôle naturellement la lumière et la température. Les cloisons des galeries et autres et les vitres amovibles libèrent une aération naturelle.

Vers de nouvelles formes et dispositifs muséaux

Pour éviter de construire, de nombreux établissements culturels sont aujourd’hui dans des lieux réhabilités. Lorsque les architectes créent, ils cherchent à inventer dans des formes et des volumes spacieux tout en utilisant des techniques compliquées et des matériaux inhabituels. Les deux centres Pompidou s’appuient sur des valeurs communes que sont notamment l ’ «ouverture», la «pluridisciplinarité». La diversité des publics a une grande importance dans le musée. De même que les œuvres exposées qui sont très variées. Le centre Pompidou-Metz est fonctionnel : les différentes configurations des espaces permettent l’adaptation et l’exposition d’un vaste ensemble d’œuvres. Ces créations concernent de multiples formes et médiums artistiques (peinture, sculpture, installation, performance, spectacle vivant). De plus, il est ouvert à tous sans faire de distinction entre les âges et les conditions physiques. Des ateliers pédagogiques, des stages sont notamment proposés aux enfants. Les musées renouvellent la manière d’exposer, de scénographier et d’accompagner les visiteurs. Ces derniers temps, les technologies ont contribué à la démocratisation culturelle. Certains contenus d’expositions sont disponibles virtuellement pour tous. De plus des expositions sont dorénavant itinérantes. En septembre, le Grand Palais a débuté son projet « MUSE » dans de petites-moyennes communes hors région Ile-de-France. Ses secteurs souvent oubliés sont désormais en mesure d’initier leurs habitants à l’art. Muse comprend deux pôles : muse « découverte » présentant des reproductions d’œuvres et muse « immersif » usant d’outils numériques pour retransmettre certaines expositions du Grand Palais essentiellement. Par conséquent, « Muse est le prototype d’un nouveau type de musée6».

Cependant, on peut se questionner sur la sincérité des actions du centre. N’est-il pas contradictoire qu’un établissement pour «l’environnement» gaspille de l’électricité en restant allumé la nuit. Concernant la démocratisation culturelle est-elle vraiment égale ? Il semble que certains publics restent oubliés comme ceux des prisons ou des EHPAD.

1 CENTRE POMPIDOU METZ, « L’Architecture, Dans mon grand chapeau », [ En ligne], [ Consulté le 12 septembre 2022], Disponible sur : https://www.centrepompidou-metz.fr/fr/autre-chose/architecture-62f359c2e3377
2 JODIDIO, Philip, Shigeru Ban 1957 : l’architecte de la surprise. Köln : Taschen, 2012.
3 DE ROCHEBOUET, Béatrice « Le centre Pompidou-Metz, un musée hyperfonctionnel » In Le Figaro, Mis à jour le 11/05/2010. Disponible sur : https://www.lefigaro.fr/culture/2010/05/10/03004-20100510ARTFIG00775-un-drole-de-chapeau-pour-un-musee-hyperfonctionnel.php
4 TAITTINGER, Thierry, « Centre Pompidou Metz : l’architecture d’un musée du XXI e siècle Les grands chefs-d’œuvre de l’art moderne et contemporain », in Beaux-Arts, Paris : Beaux-arts, 2010
5 SHIGERU BAN, JEAN DE GASTINES in MARYSE QUITON, « Centre Pompidou-Metz SHIEGRU BAN ET JEAN DE GASTINES », [En ligne]. Mis à jour le 01/01/2011. Disponible sur : https://www.amc-archi.com/article/centre-pompidou-metz-shigeru-ban-et-jean-de-gastines.32128
6 DERCON CHRIS in HAHOUNENQ, Sarah , « USE : le dernier-né de la décentralisation » In Le quotidien de l’Art. Mise à jour le 21/09/2022. Disponible sur : https://www.lequotidiendelart.com/articles/22433-muse-le-dernier-n%C3%A9-de-la-d%C3%A9centralisation.html

Article rédigé par Lucie Allard

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