Mother de Bong Joon-Ho (2009)

Bong Joon-Ho, le cinéaste sud-coréen primé au 72e festival de Cannes pour son Parasite, réalisait déjà, dix ans plus tôt, un chef-d’œuvre de genre utilisant le thriller pour proposer une satire de la société contemporaine.

Mother relate l’histoire d’une femme (Kim Hye-Ja), modeste veuve, qui élève seule son fils unique, Do-Joon (Won Bin), qui souffre d’un léger retard mental. Sa naïveté le conduit dans des situations dangereuses auprès de fauteurs de trouble du coin et le mène face à la police à plusieurs reprises. Si son comportement rend sa mère profondément anxieuse, cette dernière serait prête à tout. Et c’est justement tout ce à quoi elle serait prête pour lui que le film nous montre. Un jour, Do-Joon est en effet accusé du meurtre d’une jeune fille, une accusation qui est rapidement classée par la police mais à laquelle la mère ne peut croire. Ne trouvant aucune aide, elle part alors elle-même à la recherche du meurtrier pour prouver l’innocence de son fils, et ce quel qu’en soit le prix.

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D’un drame familial, le film devient un véritable thriller. La culpabilité de Do-Joon semble d’abord être une évidence, pour la police comme pour nous, spectateurs. Le jeune homme est arrêté et envoyé en prison, et l’histoire se recentre alors sur la mère qui devient seule protagoniste de l’histoire. Son combat la mène dans un premier temps à recourir à un avocat, mais celui-ci lâche rapidement l’affaire sans en avoir changé la conclusion. C’est donc seule et armée de tout son courage et de tout l’amour qu’elle porte pour son fils qu’elle mène l’enquête. Petit à petit, plusieurs éléments qu’elle décèle semblent brouiller les pistes ou en tout cas les multiplier. La culpabilité de Do-Joon est de moins en moins certaine. Une tension dramatique s’installe à mesure que se révèle à nous l’affaire et la profondeur de la relation qui unit la mère et son fils, nous laissant pleinement bouleversés.

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Cette enquête passionnée est aussi l’occasion d’une critique de la société à plusieurs niveaux. D’abord, Bong Joon-Ho pointe une justice incompétente qui ne s’intéresse finalement que peu à l’humain. Dans le film, les policiers sont ravis de trouver en Do-Joon un coupable indubitable, sans chercher à prouver cette évidence. L’avocat ne se révèle guère plus empathique, n’écoutant jamais les revendications de la mère. Par ailleurs, le film aborde aussi la place de la femme dans la société sud-coréenne. Cette place est annoncée dès le titre du film ; la femme est avant tout destinée à être mère, et se résume alors à son amour et à son instinct maternels. Le prénom de la mère n’est d’ailleurs jamais précisé au cours des deux heures que durent le film. Loin d’être coincée dans son rôle, cette mère que nous présente Bong Joon-Ho transcende le long-métrage et le nourrit d’une force que rien n’arrêtera.

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Cette critique de la société prédomine l’œuvre de Bong Joon-Ho. Sûrement aurez-vous vu – ou tout du moins entendu parler de – Parasite (2019), Palme d’Or du Festival de Cannes de la même année. Ce film donne à voir une famille qui vit dans un appartement insalubre en entresol et au fond d’une ruelle crasse mais qui, usant de stratagèmes audacieux, parvient à se faire employer par une riche famille de la ville. La confrontation de ces deux milieux est poignante mais jamais caricaturale. Dans ses films, Bong Joon-Ho pose un regard subtil sur tous ses personnages, un regard qui devient le vecteur principal des prises de position du réalisateur. Il en va de même pour Snowpiercer (2013), où la complexité des personnages n’est qu’exacerbée par leur situation – condamnés à vivre, ou plutôt survivre, dans un train en marche en pleine catastrophe glacière.

Captivant et toujours surprenant, le cinéma de Bong Joon-Ho n’hésite pas à explorer différents genres et à les pousser à l’extrême, pour un résultat intense, se permettant d’être cruel autant qu’hilarant, et qui ne peut laisser indifférent. « Bong Joon-ho va se servir des genres populaires comme d’un écrin à l’intérieur duquel il laissera libre cours à ses obsessions », affirmait Jean-Sébastien Chauvin, (réalisateur, critique et professeur de cinéma, ndlr) à l’occasion d’une rétrospective du cinéaste lors du Festival Entrevues en 2015. Mother, présenté dans la sélection Un certain regard l’année de sa sortie, marque la confirmation de cette personnalité unique du cinéma contemporain.

Clémence Dufour


Le ciné-club de l’École du Louvre vous propose de voir ou de revoir Mother, ce chef-d’œuvre du cinéma, le mardi 19 novembre 2019 à 18h en amphithéâtre Cézanne, plus d’info ici.

Si vous êtes extérieurs à l’école, pensez à réserver au plus tard 24h avant la séance en envoyant votre nom et votre prénom à cineclubecoledulouvre@gmail.com !

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