L’appartement témoin Perret : une fenêtre ouverte sur la modernité architecturale

Un voyage dans le temps

L’Appartement témoin Perret se situe en plein cœur du Havre, au 181 Rue de Paris, non loin de la place de l’Hôtel de Ville. Sa visite vous immerge au sein de l’histoire et de la vision architecturale d’Auguste Perret. Cet espace emblématique de l’après-guerre plonge le visiteur dans cette époque appelée les « Trente Glorieuses », qui ont vu apparaître l’avènement d’un nouveau mode de vie.

L’Appartement témoin vous plonge dans l’intimité d’une de ces familles de relogés havrais. Il semble figé dans les années 1950, avec de nombreux objets du quotidien de cette époque disséminés un peu partout, ce qui donne l’impression que la famille va rentrer chez elle d’une minute à l’autre après être partie faire une course et que leur voiture est garée dans l’une des larges allées qui borde l’immeuble.

Une véritable révolution urbaine

Auguste Perret (1874-1954) souhaitait aller au-delà de la simple reconstruction de la ville du Havre. Son objectif était de redéfinir les modes de vie, voire de les anticiper. Il introduisit un habitat moderne et fonctionnel, dans une société encore peu habituée au confort que nous connaissons aujourd’hui et auprès de personnes confrontées à des situations de relogement très difficiles du fait de la destruction de leurs logis.

Les images du Havre avant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale nous présentent une ville à l’architecture hétéroclite. Les quelques bâtiment ayant survécu au conflit en témoignent, comme la cathédrale Notre-Dame, le Muséum d’Histoire Naturelle ou la Maison de l’armateur [de styles respectivement gothique flamboyant et Renaissance, classique et néo-classique, ndlr]. La ville comporte un bon nombre de rues étroites équipées de rails pour le passage des tramways, qui seront remplacées par des rues larges conçues pour l’automobile.

La reconnaissance de cette architecture

En 2001, aux côtés d’autres édifices contemporains, les immeubles en série d’Auguste Perret sont labellisés « Patrimoine du XXe siècle« , ancien dispositif du Ministère de la Culture créé en 1999, aujourd’hui remplacé par le label « Architecture contemporaine remarquable ». Cette première reconnaissance patrimoniale par l’État français mène au classement, trois ans plus tard, de la cité du Havre au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Enfin, en 2017, deux îlots d’immeubles Perret autour de l’Hôtel de Ville reçoivent la protection ultime des pouvoirs publics par un classement au titre des Monuments Historiques. Cette succession d’actes de valorisation et de protection de l’œuvre d’Auguste Perret montrent l’intérêt grandissant des gardiens de la conservation du patrimoine pour une architecture qui a parfois été mal-aimée du grand public.

L’Appartement témoin Perret s’inscrit dans ce mouvement architectural novateur du XXe siècle en mettant en avant une fidèle reproduction de l’intérieur des logements conçus entre 1947 et 1953. Il invite le visiteur à s’intéresser et à se questionner en lui offrant une capsule temporelle et offre un témoignage de l’évolution sociale, culturelle et technologique de ce siècle, ce qui était précisément l’objet du label « Patrimoine du XXe siècle ». L’Appartement Perret constitue également un hommage à un génie visionnaire.

L’arrivée du confort moderne par la cuisine

Lors de la visite, nous étions stupéfaits par l’abondance d’appareils électroménagers présents dans l’appartement. La cuisine ne manque de rien avec sa gazinière, son réfrigérateur et ses ustensiles de cuisine d’un autre temps, comme une cafetière à gravité. Le mobilier préfigure également ce que deviendront nos intérieurs actuels. Nous sommes à des années-lumière de la cuisine au coin du feu de la génération de nos arrière-grands-parents. Du côté de la nourriture, là aussi les produits commencent à ressembler à ceux que nous connaissons. Bien que la bouteille de lait frais visible sur les photos provienne encore d’une ferme, il y a là une conserve de lait en poudre Nestlé ou des bouteilles d’alcool bien connues du grand public. Les autres pièces de la maison sont moins pourvues en appareils comme nous allons le voir.

La sobriété minimaliste des autres pièces

Les autres pièces de l’appartement font preuve d’un espace dépouillé car Perret souhaitait que chacun l’aménage à son goût. Les aménagements intérieurs s’effacent face à la décoration. Les meubles se veulent discrets, voire minimalistes avec leurs lignes fines et carrées. Là encore, point d’armoires normandes dans cet appartement, mais plutôt des intérieurs calqués sur le modèle des cabines de bateaux, comme l’on peut le voir sur les photos de la chambre des enfants.

Les autres pièces de la maison n’offrent pas aux objets électroniques la place que l’on connaît aujourd’hui. Les seuls objets techniquement sophistiqués que nous trouvons hors de la cuisine sont un poste de radio, des réveils, une machine à écrire et des jouets mécaniques qui sont encore vus comme des bijoux de technologie à l’époque. Bien que ces intérieurs puissent nous paraître simples, ils étaient à l’époque d’un grand confort pour des personnes qui avaient tout perdu durant la guerre.

La salle de bain, la pièce la plus avant-gardiste

L’époque ne laissait pas la place que nous connaissons désormais à l’hygiène. Ainsi, il était peu fréquent de prendre une douche chaque jour et les habitants des villes fréquentaient le plus souvent les bains-douches publics. Bien qu’elle fît son apparition dans les années 1930, la présence d’une salle de bain n’était vraiment pas commune dans les appartements de cette époque et ces reconstructions préfiguraient l’arrivé de ce standard.

Lors de la visite, notre guide nous a confié tout l’étonnement des habitants de l’époque devant cette nouvelle pièce avant qu’elle ne soit rapidement adoptée. L’architecte a tout prévu pour que les habitants s’y sentent bien, par la taille généreuse de la salle de bain, un pièce importante dans l’appartement. On y accède par une porte donnant sur chaque chambre afin que chacun protège son intimité. Les lavabos y sont larges et amples, tout comme la baignoire ; des éléments dont les dimensions sont plus grandes que celles que nous connaissons aujourd’hui pour ces objets.

Poursuivez votre lecture par une visite sur place : Étant persuadé qu’un article ne suffit pas à vous témoigner de ce lieu et à vous partager les impressions que procurent sa visite, vous pouvez le visiter chaque jour aux horaires mentionnés dans le lien ci-dessous. Je vous recommande sans réserve cette visite ainsi que les guides passionnés qui vous y accompagneront.

Pour plus d’informations pour découvrir le travail d’Auguste Perret à la cité du Havre : https://www.lehavreseine-patrimoine.fr/patrimoines/le-havre-patrimoine-mondial/appartement-temoin-perret